C'est fait ! Le rêve tant caressé par des milliers de personnes, en particulier les voyageurs, depuis plus d'une décennie devient enfin réalité. Le train Tizi Ouzou - Alger a de nouveau sifflé hier matin, à l'aube, donnant lieu à un jour nouveau en matière de transport de masse. Il est 5h, le soleil va pointer son nez dans quelques moments et illuminer ces collines de la Kabylie et la ville des Genêts. Au niveau de la gare ferroviaire, lieu déserté depuis plus d'un lustre et livré à lui-même, la vie reprend forme. C'est une sorte de renaissance que vient de connaître cette gare pourtant rénovée depuis des années. La raison ? Le train va siffler de nouveau à travers monts et vaux. Rejoindre la capitale par rail est désormais à la portée de tous. Comme prévu, et après que les premiers voyageurs eurent pris place dans les voitures (wagons), le sourire illumine les lieux. Ils n'étaient pas nombreux à prendre ce moyen de transport, sans doute parce que c'est la première rotation, mais cela dégageait une certaine sérénité retrouvée. Le moment tant attendu est arrivé. Rejoindre en retard son lieu de travail est classé dans le tiroir des mauvais souvenirs et ne fera plus partie des cauchemars quotidiens qui hantent les esprits pour ceux qui ont choisi de prendre le train pour se déplacer. Le top départ à 5h25 Le train est là, flamboyant neuf. Premier constat : il est d'une propreté exceptionnelle et d'un confort recherché. Le signal de départ de cette première rotation met fin à une époque. Le directeur des transports de la wilaya, Kamal Rezig, était parmi les premiers à arriver. Le responsable du secteur dira que «les moyens de transport sont la base du développement, c'est pour cela que l'Etat mise énormément sur ce secteur». Venu assister à ce voyage inaugural, M. Beldjilali, chef de bureau des activités culturelles au niveau de la direction de l'éducation de la wilaya de Tizi Ouzou, commente ce premier voyage en disant : «Ce retour du train permettra aux élèves de le voir dans la réalité alors que jusque-là, ils ne voyaient que des dessins dans les livres scolaires !», et d'ajouter : «Nous comptons signer une convention avec la SNTF pour faire des excursions au profit des élèves de la wilaya». A peine le train commence-t-il à prendre de la vitesse après le démarrage effectué comme prévu à 5h25, que la première station, celle de Draâ Ben Khedda, est déjà atteinte, treize minutes plus tard. Là, d'autres voyageurs, environ une dizaine, aussi impatients de retrouver ce moyen de locomotion montent en voiture. Draâ Ben Khedda a constitué un véritable os pour les responsables du secteur des transports. Le tracé de la voie ferrée qui traverse cette ville située à dix kilomètres à l'ouest de Tizi a été squatté par des commerçants experts de l'informel qui y ont érigé un marché. Mais là, c'est le nouveau pont qui a été emprunté. Depuis hier, le tracé a retrouvé sa vocation initiale. A Tadmaït, sous les applaudissements Seconde station, Tadmaït est ralliée à 5h52. Avant d'arriver à cette gare, il faut signaler au passage qu'une fois arrivé au marché de gros des fruits et légumes de cette ville, les commerçants sont tous sortis pour applaudir ce premier passage du train. Le soleil pénètre déjà tous les contreforts de la forêt de Sid Ali Bounab qui surplombe l'ex-Camp de Maréchal. Comme à DBK, d'autres personnes «grimpent» avec le sourire, manière d'exprimer la joie de retrouver ce train tant attendu. La locomotive fonce de nouveau après un temps d'arrêt respecté à la lettre. La ponctualité et la minutieuse gestion du temps font partie de ce moyen de transport. A l'intérieur des voitures, l'ambiance est bon enfant. On discute et on commente le «retour» du train. Pour tous ceux à qui nous avons posé la question, la réponse a été quasiment la même. «Pour vous dire vrai, j'ai toujours fait la navette Tizi-Alger où je travaille. Même si nous avons des bus confortables, il reste que souvent nous arrivons en retard. Les bouchons sont monstrueux sur la RN 12. Désormais, je prendrai toujours le train. Ne dit-on pas que c'est le moyen de transport le plus sûr !», dira Ahmed, la quarantaine bien accomplie. Un autre voyageur, assis en face de notre interlocuteur, lancera avec regret : «Ce que nous regrettons, c'est l'horaire du retour, fixé à 16h05 qui n'arrange guère les travailleurs qui sont retenus au-delà», et d'ajouter : «Nous espérons que cet horaire sera revu par les responsables.» Les horaires de retour mal conçus Il est vrai que le retour n'arrange pas tout le monde. «Il est souhaitable de le revoir d'autant que le trajet Alger-Tizi n'est que d'une centaine de kilomètres», renchérira un autre. A ce propos justement, le directeur des transports nous a indiqué que ces horaires seront revus à partir du mois de septembre, mais pas avant, car nous sommes encore en période estivale. Il informera que le retour à partir d'Alger se fera entre 17h30 et 17h45. Avant d'atteindre la prochaine escale à Naciria, un troupeau de vaches se dresse sur le rail obligeant le conducteur à ralentir. Ce type de problèmes arrive souvent, selon le machiniste qui a rassuré les voyageurs sur la facilité de rattraper le retard de 7 minutes causé par ces animaux. Les discussions vont bon train alors que le train avait traversé quatre tunnels et quatre viaducs avant la prochaine station, Bordj Ménaïel. Même topo au niveau de la gare de cette dernière ville. D'autres voyageurs montent. Après un arrêt d'une seule et unique minute, le mastodonte en bleu et blanc poursuit son chemin laissant derrière les immenses plaines des Issers où sont montées surtout de nombreuses femmes. Un voyageur d'un certain âge s'est dirigé vers le chef du train pour lui demander de faire deux haltes supplémentaires à Dar El Beida et à proximité de la zone industrielle de Oued Smar. Selon un cheminot, Khaled, ces deux escales sont presque impossibles à réaliser. La raison ? Un retard supplémentaire causera des désagréments certains à l'arrivée. Pour ce faire, il faut supprimer deux autres escales avant. Comme quoi, tout est calculé. Avant Thenia, Si Mustapha, où le train arrive à 6h33, soit après 1h08 du départ de Tizi. Le ticket un peu cher Un voyageur monté au niveau de cette station n'a pas caché sa joie. Il dira en substance : «Cela me permettra de dormir un peu plus et surtout de faire des économies. Mais nous considérons que le prix du ticket est un peu élevé. Logiquement, il doit être moins cher que celui du bus». 9 minutes plus tard, il arrive à Thénia où le nombre de voyageurs était plus important. Il y a même ceux qui ont fait le voyage debout. A Thénia se pose un problème qui constitue un vrai danger. Juste avant la station, des personnes empruntent le tunnel pour accéder à la gare et ainsi, par ce subterfuge, éviter de payer son ticket d'entrée. Prochaine station Boumerdès avant l'arrivée à Agha. Le trajet jusqu'à la ville côtière de Boumerdès prend 1h26. Même topo. Des voyageurs montent et d'autres descendent. Dans les délais prévus, à 7h25, le train entre en gare d'Agha. Une première réussie, tant techniquement que commercialement. Pour ce premier voyage, nous avons cependant noté le manque d'effectif, notamment des contrôleurs pour un train qui peut transporter 2500 personnes. En attendant la voie électrifiée, qui sera réceptionnée en 2013, ce qui est synonyme du lancement de l'autorail, les voyageurs disposent déjà d'un moyen de locomotion qui leur épargne bien des désagréments.