Réalité - L'Etat a-t-il un rôle à jouer dans le mouvement culturel, notamment le théâtre ? «Le soutien de l'Etat pour la promotion de la culture en Algérie est fondamental», estime Omar Fetmouche, dramaturge et directeur du Théâtre régional de Béjaïa : «l'Etat doit s'impliquer pleinement dans la promotion de la culture en menant une politique d'accompagnement des jeunes talents à travers la subvention de leur production culturelle et artistique.» Omar Fetmouche, pour qui «les pouvoirs publics interviennent de manière vigoureuse dans le champ culturel en général et au théâtre en particulier», explique que «le soutien de l'Etat ne signifie pas droit de regard, ingérence». «J'ai monté des pièces sur des textes de Tahar Djaout, Mouloud Mammeri, Rachid Mimouni, et jamais, je n'ai fait l'objet d'une directive, d'une lettre m'enjoignant de suivre une ligne de conduite», affirme-t-il : «Les choses se sont déroulées correctement et sans vagues. S'il s'agit maintenant d'une autocensure, le débat relève d'une autre nature.» Il n'y a donc pas pour lui la censure au niveau du théâtre. «Elle n'existe pas, comparativement à nos voisins du Maghreb et d'Orient, où il faut passer par différentes commissions avant d'avoir l'aval de monter un spectacle», dit-il, «en Algérie, c'est plus facile de monter une pièce de théâtre. Il suffit juste que le texte corresponde à certains critères (langue, esthétique…» Le dramaturge tient, au passage, à mettre l'accent sur l'apport des jeunes dans le mouvement culturel, dont le théâtre. «Il faut placer entre leurs mains le destin du Théâtre national, qui est condamné à aller de l'avant, car c'est une affaire d'une extrême utilité pour les citoyens», souligne Omar Fetmouche, qui a une grande confiance à l'égard de la jeune génération qui recèle des potentialités indéniables. Quant à la question -récurrente- de savoir s'il y a une crise de texte, Omar Fetmouche dira : «Nous avons des écrivains de grand talent, des plumes efficaces, il suffit de les solliciter pour en extraire la substantifique moelle.» Malheureusement, nous n'avons pas beaucoup de gens qui écrivent pour le théâtre. «Cela pose certainement problème, mais on ne peut pas parler vraiment de crise», affirme-t-il : «Les textes sont là avec les œuvres de Rachid Boudjedra, Tahar Djaout, Rachid Mimouni, Kateb Yacine, Mouloud Mammeri et d'autres encore. Il suffit juste de les exploiter.» Omar Fetmouche, pour qui «le mouvement théâtral en Algérie a dépassé la question de la langue, estime que les faits divers peuvent constituer une base à la création théâtrale. «Il faudrait qu'il y ait des dramaturges qui prennent en charge cette matière et en faire de véritables textes pour le théâtre», soutient-il. Omar Fetmouche est en train de monter une comédie musicale en hommage à La Casbah d'Alger, à sa résistance durant la lutte de Libération nationale. Il s'attelle, entre autres, à monter une pièce sur une autre figure de la résistance algérienne, en l'occurrence Cheikh El Haddad. Il a également un monodrame, El-Ouachma (Tatouage), qu'il a écrit. Ce texte raconte les pérégrinations de Si M'barek, employé dans une société nationale, qui, un jour, a fermé ses portes sans préavis et Si M'barek se retrouve au chômage. Le texte se veut à la fois une critique et une analyse de la société algérienne. Le dramaturge tient à la décortiquer. Tout y passera : le régime socialiste de l'Algérie post-indépendance, l'ouverture économique et tout ce qui en a découlé, le règne de l'import-import… S'agissant du titre de la pièce (El-Ouachma) qui sera prochainement montée et jouée par la coopérative Essindjab de Bordj Ménaïel, le dramaturge explique que c'est en rapport avec le tatouage qu'a Si M'barek sur la tête suite à un accident de travail. C'est d'ailleurs autour de ce tatouage que s'organiseront les événements de ce monologue, tantôt dramatique, tantôt hilarant, absurde et en même temps moqueur. Notons qu'Omar Fetmouche soutient «la nécessité de bâtir intelligemment, de façon académique et crédible le théâtre». L'objectif consiste à répondre de façon efficace aux besoins d'échanges et de multiplier, donc de fructifier, les espaces d'expression. C'est pour cela que ce dernier multiplie les expériences, dont celle du «théâtre des villages». En d'autres termes, aller à la rencontre du public dans les villages de la wilaya de Béjaïa pour promouvoir le 4e art.