Exploitation - Si le sida tue, que dire de la sorcellerie et de la hidjama pratiquées par des charlatans ? Sacrifice d'animaux, dépouillement d'ossements humains dans les tombes, c'est aussi ça le charlatanisme. Enquête. Il est 10 heures lorsque nous nous présentons à l'adresse communiquée par notre «indicatrice» qui s'est chargée de régler pour nous toute la procédure et un rendez-vous pour une pseudo consultation de sorcellerie. Il s'agit d'un salon de coiffure pour dames situé dans la circonscription administrative de Bir-Mourad-Raïs. C'est en ce lieu que sont pris les rendez-vous pour des séances de sorcellerie pour les femmes et la pratique de la hidjama pour les deux sexes. C'est aussi ce lieu qui se transforme, une fois par semaine, en un endroit de pratiques maléfiques. A l'intérieur, la gérante de ce salon de coiffure que nous avions rencontrée auparavant, a changé de look, troquant sa tenue «légère» contre le niqab. A ses côtés se tiennent deux barbus en kamis pakistanais. Les femmes sont séparées des hommes. Elles obéissent au doigt et à l'œil à la maîtresse des lieux. Première victime, une jeune femme qui est invitée à passer devant les sorciers attablés sur une grande estrade, située au fond du salon dont les glaces sont recouvertes par de grands tissus et qui leur permet de mieux contrôler leurs clients. Elle porte un sachet noir contenant des habits d'un nouveau-né. A voix basse, elle expose l'objet de sa «consultation». Les sorciers se regardent un instant, puis sans aucun effort intellectuel ni persuasif, arrivent à convaincre leur cliente de revenir une autre fois avec dans les bagages la cervelle et la langue d'un agneau «qui ont des vertus magiques contre la stérilité», lui dit l'un des sorciers. A la caisse, la patronne n'y est pas allée avec le dos de la cuillère pour soutirer à cette malheureuse plusieurs billets de banque. Impossible d'approcher la caissière au niqab, religion oblige ! «Layadjouz». Le deuxième «patient» est un homme qui voudrait une consultation pour «chasser les démons». La quarantaine, il n'est pas de cette catégorie de citoyens dont le niveau d'instruction est limité. Au contraire, il semble faire partie de cette frange de personnes instruite et aisée. Comme quoi, le recours à ces pratiques ne se limite pas aux pauvres où à ceux dont le niveau d'instruction est dérisoire. Pour contrecarrer les démons et le mauvais sort, le barbu à la djellaba grise remet à son client une variété d'onguents et de végétaux pour des rites sataniques. Le mode d'absorption est consigné sur un bout de papier ronéotypé. La facture est semble-t-il très salée, puisque ce dernier sollicite son accompagnateur resté dehors pour lui ajouter quelques billets de banque qui vont aller dans les poches de ce groupe maffieux. «Peut-être dans des comptes d'associations de malfaisants et même dans la drogue», dira quelques jours après un sociologue que nous avons questionné sur les fortunes amassées par ces individus.