De nos jours, rien n'est plus facile que de porter plainte contre une personne. Seulement, parfois, et même quand l'accusation est justifiée, certains facteurs assurent aux inculpés l'impunité. C'est ce cas de figure qui s'est présenté hier au tribunal de Chéraga, durant une audience qui aura retenu l'attention de l'ensemble de l'assistance, magistrats y compris. Un quinquagénaire et sa fille, trentenaire, comparaissaient pour répondre au chef d'inculpation «d'escroquerie par charlatanisme». Le père, retraité de son état, serait un «raqui» et un guérisseur, tandis que sa fille est présentée comme étant une «chouwafa», voyante et sorcière. Mais là où le bât blesse est que la plainte a été déposée par une femme «x», qui, lors de sa déposition, a requis l'anonymat. Dans son témoignage, elle affirmait être une cliente de l'accusée, qu'elle a consultée pour des problèmes conjugaux. Son mari la trompant allégrement et désireux de se remarier, elle soupçonna que ce revirement soudain de comportement ne soit dû à quelque sortilège. Elle demanda donc à la sorcière de «défaire» le sort. La plaignante, payant à l'avance ces services si particuliers, fut conduite chez le père, qui tenta d'abuser sexuellement d'elle. Ce qui, semble-t-il, fait partie des rituels de désenvoûtement pratiqués afin de «remédier» à ce type de problèmes. Prenant ses jambes à son cou, la victime s'empressa de déposer plainte, anonymement toutefois, de peur que son mari n'ait vent de sa mésaventure «paranormale». La sorcière, qui ne se défendit pas de pratiquer la voyance et la sorcellerie, nia toutefois l'accusation d'escroquerie. Quant au vieillard, il insista pour rectifier : «Je ne suis pas un charlatan. Je guéris les malades à l'aide de décoctions naturelles. Je ne suis pas un raqui non plus, je ne suis qu'un simple herboriste et phytothérapeute». En l'absence de «réel» témoignage de l'accusation, et devant le peu de preuves établissant formellement l'escroquerie, le procureur de la République ne requit aucune peine à l'encontre des accusés, présageant ainsi de leur disculpation.