La mort, en algérien, fait partie du domaine du sacré, et quand on évoque un défunt, même s?il s'agit de son ennemi, on récite aussitôt la formule Allah irah'mu,(que Dieu lui manifeste Sa Miséricorde). Ce respect du mort n'empêche pas la langue d'«utiliser» les morts pour illustrer ses sentences et ses dictons. Le proverbe le plus connu concerne les jambes du mort : «Yett?walu redjlin lmeyat» (Les pieds du mort s?allongent). On peut penser à un étirement des membres à la suite de la raideur cadavérique, mais il n'en est rien : l'allongement dont il est question n'est qu?une image. Cela veut dire que le plus petit des morts devient, parce qu'il est mort, grand ! On l?encense, on l'honore, on fait son éloge et, bien sûr, on le regrette fortement même si, de son vivant, on le tenait pour le plus abject des hommes ou des femmes ! On le pleure, on l?aime et, suprême élan de générosité, on lui pardonne le mal qu'il a fait ou qu?il a pu faire ! Sacralisation de la mort et des morts qui fait ravaler, pendant un certain temps, toutes les rancunes et toutes les ranc?urs ! Mais la langue n?est pas aussi dupe qu'on peut le penser puisqu?elle dénonce avec sévérité ce comportement : «Ki kan h'ayy mechtaq ettamra, ki mat, alqulu ardjun» (Quand il était vivant, il ne trouvait pas une datte à manger, une fois mort, on lui pend au cou un régime entier !). Alors, semble dire le dicton, pas de lamentations et de belles paroles quand on n'est pas sincère. Belle façon de dénoncer l?hypocrisie et les larmes de crocodile !