Actions Un sit-in et une marche pacifique sont prévus aujourd?hui devant le siège de l?APC. «Nous sommes ici depuis 1963 et ce n?est pas une bande de hors-la-loi qui va nous chasser de notre terre. Nous avons des F4 et des F5 et ils disent qu?ils vont nous mettre dans des chalets !» Le ton de Madjid Bouhricha, un sage du populeux quartier de Diar El-Baraka, bourgade de Baraki, est grave. Il fait partie du «comité des sages» mis sur pied au lendemain des émeutes qui ont émaillé la région, avant-hier après la décision du wali-délégué d?évacuer les lieux, «une décision somme toute déraisonnable puisque sans préavis et ne reposant sur aucun document justificatif», avance notre interlocuteur. Celui-ci ajoute d?ailleurs : «Tout a été préparé d?une façon minutieuse pour nous chasser de ce bien que nous a légué un certain Bengana, un homme pieux du temps du colonialisme. Le wali-délégué et ses acolytes veulent nous mettre dans des chalets.» Selon M. Bouhricha, «ce n?est pas de cette manière qu?on honore une bourgade qui a propulsé Bouteflika à hauteur de 92%». «C?est une haute trahison, ajoute-t-il. Leurs hommes, les policiers et les camions sont venus jeudi dernier à 8h 30 pour nous signifier l?évacuation, alors que nos enfants étaient à l?école. Il n?y a pas plus diabolique que cela.» Ce matin, dans le quartier, la tension était à son paroxysme. Des banderoles interpellaient le président de la République. «Bouteflika doit intervenir», y lit-on. Des jeunes, chauffés à blanc, sont décidés à ne pas céder devant l?intransigeance des autorités locales. Ces dernières, sous la houlette de M. Kaid, wali-délégué, sont prêtes à aller jusqu?au bout de leur entreprise. Camions antiémeutes et autres arsenaux donnent l?impression que quelque chose est en train de se préparer. Aujourd?hui, tout Baraki en parle. Unis dans la douleur et décidés à préserver leur dû, les quelque 5 000 habitants avaient opposé dès jeudi une farouche résistance. Cocktails Molotov, pneus brûlés et amas de ferraille, graffitis hostiles à l?Etat, le décor était alors désolant dans cet îlot de Baraki, une petite ville naguère foudroyée par les actes terroristes et «plus que jamais convoitée pour ses terres et ses richesses par la mafia du foncier», selon les locataires. Le face-à-face habitants-forces de l?ordre était donc inéluctable. Bilan : 65 blessés, dont quelques policiers, et plusieurs véhicules saccagés. Selon un habitant de la cité, tout a commencé mercredi soir. «L?adjoint du P/APC et un chargé d?études de la wilaya, en état d?ébriété, se sont présentés pour nous signifier la décision de déménagement», avance-t-il avant d?ajouter : «Deux semaines auparavant, une réunion a eu lieu avec les responsables locaux durant laquelle nous avions clairement signifié que nous n?allons pas sortir de nos maisons.» Fous furieux, des habitants estiment que cette décision émane «d?élus véreux» qui sont de mèche avec la «mafia du foncier». D?autres avancent que derrière la décision, «il y aurait des Saoudiens qui auraient mis le paquet pour ériger sur ces lieux un gigantesque centre commercial». «La tchippa et la mafia de l?immobilier» sont aussi des mots qui reviennent sur toutes les lèvres. Des locataires estiment que leur «cité n?a rien d?un bidonville même si les 780 habitations datent de l?époque coloniale». Le hic pour certains, c?est surtout la façon expéditive avec laquelle a été prise la décision de démolition et de déménagement. «Tout s?est fait en une seule journée, sans nous avertir, c?est inconcevable !», renchérit un autre. «Nous ne sommes ni des sinistrés ni des habitants de bidonville, nous sommes des propriétaires avec acte et nous allons tout faire pour préserver notre dignité.» Nos tentatives d?approcher le wali délégué, ce matin, sont restées vaines.