A minuit douze, le 3 avril 1943, le chef pilote du bombardier B 24 américain Lady be good, demande à sa base de Libye un relèvement goniométrique. «330 degrés», répond la base. Le Lady be good revient après avoir bombardé Naples occupée par les Allemands. Il y a de cela un peu plus de deux heures. L?équipage se détend de ce long vol au-dessus des territoires ennemis. Seuls les mitrailleurs continuent de surveiller le ciel pour le cas d?une attaque, peu probable d?ailleurs, de la chasse allemande. Le chef pilote, heureux d?avoir sauvé, une fois de plus, le Lady be good et son équipage, demande un relèvement à une autre base, pour recouper le premier. Un vent violent déporte l?appareil. Le navigateur tient compte de la dérive, mais il ne s?en inquiète pas trop, puisque, dans un moment, ils obtiendront un nouveau relèvement. En attendant, comme le radio a du mal à joindre une autre base, le chef pilote règle son pilote automatique sur la seule donnée qu?il possède. Dans une heure, la côte africaine devrait être en vue. Vers une heure du matin, les yeux du chef pilote scrutent la nuit devant lui? Il ne voit pas la côte. De son côté, le radio, qui essaie de prendre contact avec la base depuis cinq minutes, avoue qu?il n?y parvient pas. Peut-être s?agit-il d?une panne de radio. A moins que, provisoirement, la base ne se taise pour ne pas fournir d?indications à l?approche d?une escadrille ennemie. Le chef pilote décide de voler plus bas, toujours dans la même direction. Mais après une demi-heure, la côte n?est toujours pas en vue? Impossible, en raison des nuages très bas, de distinguer s?ils sont toujours au-dessus de la Méditerranée, ou déjà au-dessus du désert de Libye? Le chef pilote s?inquiète, craignant d?être à court de carburant. Encore vingt minutes? Les réservoirs d?essence sont presque vides. Le chef pilote, étant donné la mauvaise visibilité, craint de capoter en posant son appareil sur la mer? Il vaut mieux l?abandonner. «Quoi ?? Qu?est-ce qui se passe ?» Les membres de l?équipage, qui se voyaient déjà dans leurs lits, reçoivent l?ordre d?ajuster leur parachute? Des lampes rouges s?allument sur le tableau de bord. Le chef pilote fait ouvrir la trappe d?évacuation. Cette fois, les hommes comprennent, car un moteur a cessé de tourner et s?arrête? A chaque raté des autres moteurs, les hommes ont un sursaut? Le chef pilote fait jeter à la mer les bouées de sauvetage et presse l?équipage de sauter. Un à un, les hommes se jettent dans le vide ; le chef pilote en dernier, au dernier moment. L?avion seul vole encore quelques instants? Enfin, les hommes, suspendus à leur parachute, entendent un bruit. Une gerbe de sable s?élève dans la nuit. L?extraordinaire aventure du Lady be good vient de commencer. Le 9 novembre 1958, soit quinze ans et sept mois après la chute du Lady be good, un prospecteur de pétrole, qui parcourt en avion le désert de Libye, tape sur l?épaule de son pilote. «Qu?est-ce que c?est que ça ?» Le pilote distingue quelque chose, dans le désert infini et plat comme la mer. Dans cette contrée, le sol est une sorte de gravier compact, assez dur, battu par le vent, et il n?y a de sable que là où une aspérité quelconque réussit à l?arrêter. Or, il y a une tache de sable insolite. On distingue même une forme. «Un avion, suggère le pilote. ? Qu?est-ce que tu voudrais qu?un avion vienne faire par ici ?» (à suivre...)