Le 19 mai de chaque année, la Journée de l'étudiant, était marquée par de nombreuses festivités qui s'étalaient une semaine dans une ambiance de kermesse, de musique, de théâtre, d'excursions et aussi de menus richement améliorés dans les «restos U» où se ruaient alors les étudiants. Bien sûr, des conférences d'éminents sociologues et autres historiens mettaient l'accent sur cette fameuse Journée historique de mai 1956 où, répondant à l'appel de l'Ugema, les étudiants désertèrent les bancs des facultés pour rejoindre le maquis. En ces années soixante-dix, on disait l'université dans la lignée des aînés, c'est-à-dire partie prenante des tâches d'édification. D'ailleurs, le mot d'ordre de l'époque était : «Pour une université ouverte aux réalités nationales», ce qui constituait bien plus qu'un slogan, en fait toute la volonté d'intégrer les diplômés frais émoulus dans le processus de développement économique largement ouvert aux cadres d'alors. Le chômage n'existait pas pour les promotions sortantes après des cursus marqués par un enseignement de qualité. Et c'est dans les années quatre-vingt qu'on décida «l'algérianisation» de l'université en rompant la majorité des contrats des corps enseignants de l'Europe et en faisant appel à des «douctours» du Moyen-Orient plus enclins à exporter une idéologie qu'un savoir. Beaucoup de filières furent ainsi livrées à une arabisation au forceps, notamment celles de littérature, de droit, de sociologie et de sciences économiques, générant ainsi ce que d'aucuns appelleront la «clochardisation» de l'université, qui s'éloignait de fait des fameuses «réalités nationales», donc de tout le processus d'intégration des diplômés dans les circuits économiques. D'autres spécialités scientifiques sont devenues inutiles telles celles de l'Institut d'industrie alimentaire, dont les diplômés ne trouvent plus de débouchés, tout comme ceux de biologie animale, de sociologie industrielle et de beaucoup d'autres. N'est-ce pas l'un des points nodaux revendiqués par les mouvements étudiants qui battent le pavé à chaque fois, pour une refonte de l'enseignement supérieur ? On parle de plus en plus de l'apport technologique indispensable pour la relance économique, en omettant de considérer que l'université demeure le fournisseur essentiel, le seul, de la matière grise nécessaire au décollage escompté. Il est quand même stupéfiant que des ingénieurs en nutrition et en industrie alimentaire ne trouvent pas de débouchés dans une économie qui ambitionne de se libérer de l'importation de sa nourriture. Le débat sur la relance économique et son corollaire, la production locale, est intimement lié à celui de la réforme de l'université. Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.