Oran 24 avril 2004. Le tribunal criminel de cette ville devra prononcer le verdict du procès d?une vieille dame de 77 ans, accusée du meurtre de son compagnon... Dans le box des accusés, on voit toutes sortes de criminels. Pour certains, il s?agit là d?un détail sans intérêt, mais pour d?autres, mettre un visage sur un coupable est d?une importance inouïe. C?est une évidence, on veut savoir à quoi ressemble un assassin et, d?ailleurs, lorsque l?on se retrouve dans l?une des salles du tribunal, on attend impatiemment son apparition. Celle de cette journée du 24 avril de l?année en cours, a de quoi vous couper le souffle... En effet, dans le box des accusés, on voit des petits, des grands, des maigres, des gros, des jeunes et des moins jeunes, enfin, des personnes que l?on rencontre un peu partout, mais lorsque l?accusée est une vieille femme de 77 ans, installée dans un fauteuil roulant, l?air penaud, a de quoi surprendre les gens venus, nombreux, assister à ce procès hors du commun. Il l?est de par les faits que l?on reproche à l?accusée... En l'écoutant parler, tantôt l?on est pris d?une irrésistible envie de rire, tantôt on a du mal à croire qu?elle puisse être l?auteur d?un quelconque acte macabre. On hésite, au gré de son témoignage, entre la compassion et la colère. La compassion, parce que tout au long du procès, la vieille Saâdia expose sa vie privée à la manière d?une jeune première qui aurait raté ses amours : «Je n?ai jamais eu de chance en amour. Tous mes amants finissaient par me quitter. Le dernier m?a tellement déçue... Il ne voulait pas que l?on parle de notre avenir. Il avait pris la décision cruelle de mettre fin à notre relation.» Les membres de la cour répriment difficilement un sourire moqueur. «Quel avenir à 77 ans ?», pensent-ils ! Le sentiment de compassion cède vite la place à la colère, car la femme donne l?impression qu?elle n?est pas aussi naïve ni aussi désabusée qu?elle en donne l?air. Elle tente subtilement de berner son monde avec des arguments dont la cour, d?ailleurs, fait fi. «Pourquoi avez-vous tué votre amant ? ? Je vous le répète. Il m?a déçue. Enormément déçue. Je ne voulais pas le tuer, mais seulement me venger de ses méchantes paroles !» (à suivre...)