Oran Mercredi 26 mai 2004. Le tribunal criminel prononce un lourd verdict à l?encontre d?un homme qui n?a pas hésité à assassiner une vieille dame généreuse et tendre? Par les temps qui courent, n?importe qui dans la rue vous dira qu?il vaut mieux s?abstenir d?héberger un inconnu, aussi démuni soit-il, car souvent, cela se retourne contre vous? Et puis, avec tout ce qui se passe, il faut avouer que plus personne ne fait confiance au premier venu. Les gens sont devenus prudents et c?est tout à leur honneur lorsqu?on apprend que l?être humain est capable du pire, et que lorsqu?on ouvre sa porte à n?importe qui, on peut le payer chèrement. Z. M., 71 ans, généreuse, douce, bienfaitrice et noble, qui a voulu transgresser cette «stupide prudence» comme elle aimait à le dire, en a, malheureusement, fait les frais en y laissant sa vie? Elle était comme ça, Zineb ; elle ne refusait jamais de tendre la main aux nécessiteux, d?ouvrir sa porte aux malheureux et aux miséreux? Tout le monde lui connaissait cette grandeur d?âme qui la démarquait si bien des autres. Aussi, en novembre 2002, lorsqu?un inconnu, S. I., lui parle ouvertement de ses misères, elle n'hésite pas à lui offrir le gîte et le couvert pour tout le mois sacré de ramadan, en son domicile du quartier des Amandiers, sans même prendre la peine de consulter les autres membres de la famille. D?ailleurs, personne ne s?oppose jamais aux nobles décisions de la vieille dame. 15 novembre 2002? Nedjma rentre à la maison et s?inquiète déjà du silence qui y règne. Elle sent son c?ur s?arrêter de battre lorsqu?elle voit sa mère, la vieille Zineb, allongée à même le sol, baignant dans une mare de sang. «C?est pas possible, quel monstre a pu faire cela ?», hurle-t-elle, telle une forcenée. La réponse vient tout de suite ; il ne peut s?agir que de cet impromptu invité auquel la défunte a généreusement offert l?hospitalité... L?assassin, après avoir commis son crime, s?est emparé des bijoux et d?une coquette somme d?argent appartenant à la victime avant de prendre la fuite. Qui est S. I. ? L?identité de cet homme n?est jamais la même puisqu?il a, à sa disposition, cinq pièces d?identité qu?il utilisait à sa guise afin de berner les honnêtes gens. Une minutieuse enquête permet son arrestation une année, jour pour jour, après le drame. Dans un premier temps, il parle d?un complice, B. H., arrêté lui aussi. Le mis en cause nie tout en bloc. Il s?en tient d?ailleurs à sa déclaration le jour du procès ; il tient fermement tête aux membres de la cour : «Je n?ai pas tué cette femme. Je suis innocent.» Hélas pour lui, les témoins à charge démentent sa déclaration. Le représentant du ministère public dresse un dur réquisitoire à l?encontre de l?accusé : «Cet homme n?a pas hésité à commettre un odieux crime sur la personne d?une vieille dame qui lui a généreusement ouvert sa porte. Je requiers la perpétuité pour le principal accusé et une peine de 10 ans de prison ferme à l?encontre de son complice.» L?avocat du mis en cause plaide les circonstances atténuantes, alors que celui de B. H. demande l?acquittement : «Mon client n?a jamais été mêlé à cette affaire. Il est innocent. Aucune preuve ne l?implique directement.» La cour se retire et, après de longues délibérations, prononce son verdict : l?acquittement pour B. H., la peine capitale pour S. I.