Au moment où la majorité des Algériens éprouve d'énormes difficultés à joindre les deux bouts, et que certains sont contraints de fouiller dans les poubelles pour trouver à manger, la situation est toute autre chez nos footballeurs. Entre les 250 millions par mois de Mokdad, le tout fraîchement recruté par la JSK, et le salaire de 25 000 dinars d'un employé, y a pas photo ! C'est ça l'Algérie d'en bas, toisée par l'Algérie d'en haut. Dans un monde du travail toujours en ébullition et où la revendication salariale est devenue le sport numéro un des travailleurs en Algérie, le football demeure un domaine à part car, malgré la crise qui frappe les clubs, les footballeurs et les entraîneurs ne semblent pas être touchés. Même les spécialistes s'interrogent et n'arrivent pas à expliquer comment s'arrangent les gens du football pour voir leurs revenus grimper d'année en année, alors qu'en parallèle le spectacle offert est loin d'être au diapason. Pis encore, le niveau ne fait que s'appauvrir, la preuve est que nos clubs et nos sélections de jeunes sont toujours à la traîne sur les plans régional et continental. Au moment où des pères de familles s'endettent ou bien multiplient les boulots pour joindre les deux bouts, de jeunes footballeurs, à l'insolence déconcertante, arrivent à signer pour 300 millions de centimes par mois ! Evidemment, les férus de la balle ronde et les connaisseurs du domaine vous diront que c'est ça le professionnalisme, que cela n'est pas seulement l'apanage de notre pays et que la carrière d'un footballeur est tellement courte pour qu'il puisse amasser le maximum d'argent afin d'assurer sa retraite ainsi que celle de sa famille. On vous dira également, que si les anciens savaient, ils ne seraient pas morts dans la misère, comme ce fut le cas pour un bon paquet d'entre eux. Tous ces arguments et peut-être d'autres militent vers une hausse continue des footballeurs et même des entraîneurs qui, eux, peuvent s'amasser plusieurs centaines de millions en faisant deux ou trois clubs par an. La Fédération algérienne de football a mis plus ou moins le holà pour la saison 2012/2013 en obligeant les clubs de faire signer à leurs joueurs des contrats de deux ans, afin de juguler l'instabilité, mais chemin faisant l'inflation générée par les marchés des transferts, estival et hivernal. De son côté, l'USM Alger a bien voulu revoir sa politique salariale après avoir défrayé la chronique lors de l'exercice précédent avec des Lemmouchia émargeant à 450 000 euros/an, un Djediat ou un Zemmamouche touchant 230 millions de centimes/mois, voire Hamiti, qui n'a marqué qu'un seul but durant toute une saison, et ses 160 millions de centimes de mensualité. Du côté de Soustara, on ne veut pas divulguer encore la manne mise pour le recrutement, mais les proches du club et surtout la presse évoquent déjà la Dream Team II, c'est dire que la baisse n'a pas été très sensible. Cette politique salariale est également appliquée ailleurs, mais à des degrés moindres, soit à la tête du client. Chez le voisin mouloudéen, par exemple, le gardien Chaouchi touchait un salaire de 180 millions de centimes par mois. Un autre club, qui a freiné sa politique salariale la saison dernière et qui a réussi son coup en décrochant le doublé (Coupe d'Algérie et championnat), c'est l'Entente de Sétif qui est passée d'un budget de 80 milliards de centimes en 2010/2011 à 30 milliards la saison dernière, bien qu'elle possédât des joueurs comme Djabou, Aoudia ou Hachoud, tous des internationaux et bien cotés. Mais la rançon de la gloire est vite payée : départ de plusieurs cadres, dont Djabou (pour le Club Africain de Tunis) et de Hachoud (pour le MC Alger qui lui a versé déjà quatre mensualités à l'avance), et même l'entraîneur suisse Alain Geiger n'a pu être retenu car sa cote a grimpé depuis. Devant cette frénésie des salaires, des voix, notamment celle du président du forum des présidents de clubs, Abdelkrim Yahla et avant lui le président de la Ligue de football professionnel, Mahfoud Kerbadj, ont évoqué le plafonnement des salaires. Un sujet qui semble utopique, aujourd'hui, mais qui peut être une solution sérieuse dans un cadre logique de bonne gouvernance du professionnalisme. Et ce n'est pas demain la veille.