Constat - Il est 22h, les plages algéroises affichent déjà complet. Des jeunes, des moins jeunes, des familles entières affluent vers les côtes Est et Ouest. Ils sont avides de s'extérioriser après une rude journée caniculaire. Le bord de mer est devenu un véritable refuge pour tout ce beau monde à la recherche d'un endroit convivial et sécurisé. Et chacun y trouve son compte dans cette ambiance festive. Si certains n'hésitent pas à se jeter à l'eau, d'autres profitent de la fraîcheur de la plage pour s'adonner à un pique-nique à la belle étoile. A même le sable, du thé, des gâteaux, des boissons rafraîchissantes, des amuse-gueule tout y est et ce, au grand bonheur des fins gourmets. Outre les jeux de société dont les dominos, les cartes et les échecs, les jeunes notamment s'en donnent à cœur joie à fumer inlassablement le narguilé. La chicha, nouvelle mode de ces soirées ramadanesques, semble devenir même un outil inéluctable pour de nombreux noctambules. «Je ne me sens pas capable de me passer de chicha. C'est ce qui fait le charme de cette soirée entre amis», témoigne Nabil (24 ans) un adepte du narguilé, rencontré à El-Kettani à Bab El-Oued. Pour les solos, fidèles de ces soirées au bord de la mer, écouter de la musique ou les récitations du Saint Coran est la meilleure manière de profiter de ces moments de solitude. Parmi eux, Farid qui a choisi de se mettre un peu à l'écart face à la Grande Bleue d'El-Kaddous du côté de Aïn Taya. «J'ai toujours été un passionné de la mer. C'est un endroit idéal pour écouter le Coran. Cela renforce la foi et incite à la méditation et à la réflexion.» Contrairement à Farid, Redouane, Samir et Brahim y viennent souvent en groupe pour se rafraîchir, écouter de la musique et se changer les idées. «Le charme de ces soirées est d'être entre amis. Nous nous rencontrons tous les jours après le f'tour à Al-Qaria, une plage d'Aïn Taya, pour écouter de la musique, nous baigner, faire une partie de dominos ou tout simplement admirer ce décor naturel. Notre soirée commence à 21 h pour se terminer vers 2h, voire 3h du matin. D'autres amis viennent se joindre à nous, au cours de la soirée et commencent alors le défis des interminables baignades nocturnes.» L'absence d'infrastructure touristique et de loisir a fait de nos plages, si besoin est de le rappeler, une échappatoire pour courir, disputer un match de football ou se retrouver entre amis sans payer le moindre sou. Le vide dont souffrent nos salles de spectacle est à l'origine de cette évasion et de ce rush vers la mer. Les témoignages recueillis auprès des familles et des jeunes rencontrés sur place ne font aucun doute sur la dégradation du pouvoir d'achat des Algériens. «J'aurais aimé laisser tomber, de tant à autre, la mer pour emmener ma petite famille dans un restaurant ou une kheïma. Qui dirait non à un s'hour de bonnes brochettes accompagné d'un air de musique chaâbie ? Mais cela relève presque de l'utopie. Les prix sont hors de notre portée. Et puis, il ne faut pas oublier que le ramadan devient de plus en plus cher et a déjà eu raison de nos économies. Voilà, pourquoi la plage reste notre seule destination nocturne», déplore ce père de famille non loin de la plage Al-Qaria.