Résumé de la 1re partie Le roi rend visite, comme à son habitude, à son beau-frère Mamoun. Ce dernier use d?un stratagème pour lui faire croire qu?il prépare la soupe sans feu. Sire, je ne vous laisserai point sortir de chez moi que vous n'ayez tâté de la soupe au fouet. Le roi en mangea une pleine écuelle et demie et la trouva excellente, sauf qu'elle était un peu chaude. ? C'est une chose extraordinaire, dit-il, et ce prodige amusera la reine sûrement. Vends-moi donc le pot et le fouet de ta marraine. Combien en veux-tu Mamoun ? ? Sire le roi, pour rien au monde je ne consentirais à me séparer de ces souvenirs deux fois sacrés, si ce n'était pour un aussi bon roi que vous l'êtes. En souvenir de vos bontés passées et dans l'espoir de vos bontés futures, je veux bien quand même vous les céder. Remplissez mon pot de pièces d'or sonnantes et trébuchantes, et il sera à vous, avec le fouet par-dessus le marché. ? Marché conclu, Mamoun ! Le roi revint à son château, ravi d'avoir acheté à si bon compte, une merveille dont personne, en aucun pays du monde, n'avait encore entendu parler. L'intendant des Menus-Plaisirs, dépêché auprès de Mamoun, rapporta, moyennant finances, le pot et le fouet enchantés. Ils furent placés dans le grand salon du château qu'on appelait le Salon d'or, parce que tout y était en or, depuis les poutres du plafond jusqu'au carrelage du sol ; les tentures étaient tissées de fil d'or ; les fauteuils (dont le plus beau était naturellement le trône), la cheminée, les chenets, et jusqu'à la pelle et aux pincettes, tout était en or massif. Ce qu'il y avait de plus beau, c'était le soufflet, un joli petit soufflet également en or, mais bien plus travaillé que tout le reste : on y voyait d'un côté le soleil rayonnant figuré par une profusion de diamants, et de l'autre côté, la lune et les étoiles représentées par toute espèce de pierres précieuses. C'est dans ce superbe salon que le roi fit appeler la reine, les dames de la cour, les ministres, les chambellans, ainsi que la foule des courtisans. Ils formèrent un cercle autour du pot dans lequel, solennellement, le Grand Marmiton du château prépara la soupe. Alors le roi s'écria : ? Vous allez voir le plus grand prodige du monde. Quand j'aurai fouetté ce pot avec le fouet que voilà pendant cinq minutes, la soupe sera cuite à point. Mettant bas son habit chamarré, il posa sa couronne sur un guéridon, retroussa ses manches de chemise et fouetta le pot de toutes ses forces. Les dames de la cour, les ministres avec leur portefeuille sous le bras, la foule des courtisans, les marmitons attirés par la curiosité, tout le monde ouvrait de grands yeux ; mais par respect pour la personne royale personne ne broncha. Quant à la reine, voyant son auguste époux dans cet accoutrement, les cheveux ébouriffés, le visage rouge comme la crête d'un coq, le voyant suer, haleter, s'époumoner à fouetter le pot, elle fut prise d?un fou rire et, assise sur le trône, elle se tordit dans les contorsions d'une joie extravagante. (à suivre...)