Questionnements - Parfums d'Alger, un film réalisé par Rachid Benhadj, revient sur la tragédie nationale à travers un drame familial qui est le miroir de cette décennie de violence – intégrisme et abus en tous genres – qu'a subie l'Algérie durant les années 1990. Le film raconte un père autoritaire, à la limite du despotisme, et violeur. Samia, la fille adoptive, humiliée dans sa chair, Mourad, le frère qui a mal tourné en devenant un terroriste, la mère, coupée des réalités présentes, souffre d'un écart générationnel, et Karima, l'autre fille, le personnage principal, qui, après avoir quitté l'Algérie, rentre au pays, bouleversée, déchirée, perdue parmi les siens qu'elle ne reconnaît plus et auxquels elle n'arrive plus à s'identifier. Le film est en soi une symbolique. Le père représente l'autorité. Il renvoie au système, lequel est à l'origine de tant de drames. «C'est un père dictateur qui tente d'imposer ses choix et ses idées, sans prendre en considération l'avis de ses enfants», dira Rachid Benhadj qui souligne avoir voulu raconter ce qui s'est passé durant les années 1990. Le père, qui a fait la Révolution, vit dans son passé glorieux et, tout en s'appuyant sur «la légitimité historique», il s'emploie à imposer sa volonté et à la justifier par rapport à son passé historique. «Symboliquement, le père de Karima a le pouvoir. Un pouvoir qu'il applique sur sa famille et sur les autres», explique-t-il, et d'abonder : «Economiquement, le père pouvait tout donner. Mais il a refusé de céder certaines libertés à ses enfants pour développer leurs idées. Automatiquement, il les a poussés vers les extrêmes. Quand une société ne donne pas des espaces de discussion, de liberté, elle encourage l'extrémisme». Là, il y a une référence métaphorique au système politique algérien. «Karima est là pour le remettre en cause. Il ne l'accepte pas et réagit en conséquence par la force», poursuit le réalisateur. Karima représente ce besoin et, en même temps, cette revendication de liberté. La liberté d'expression est, selon lui, «une revendication de tous, riches ou pauvres». Par ailleurs, le film aborde la question identitaire et la personnalité culturelle et ce, à travers le personnage de Karima. En effet, Karima a quitté l'Algérie très jeune pour aller vivre en France où elle a réussi sur le plan professionnel : elle est devenue une photographe de grande renommée. Lorsqu'elle revient en Algérie, vingt ans plus tard, elle se sent étrangère par rapport à sa famille, à sa langue, à sa société. «Parfois, on rompt consciemment avec la réalité, y compris avec la langue», dira le réalisateur, et de poursuivre : «Karima est revenue parlant le français pour montrer à quel point le déchirement était très fort. Elle est obligée de plonger dans ses racines et dans sa mémoire» qu'elle a presque perdue. Elle a des trous de mémoire. Et d'ajouter : «Quand on perd sa mémoire, on vieillit. C'est une étrangère, elle n'a plus rien d'algérien. Elle a renoncé à son algérianité, même en effaçant sa langue. Elle vit avec quelqu'un qui ne connaît rien d'elle. Elle est doublement étrangère. Elle souffre d'un gros problème d'identité. Karima a coupé avec sa réalité. Elle est loin de la réalité ». Ainsi, Karima vit mal, cache son passé. Elle est étrangère là-bas, et doublement étrangère dans son pays.