Résumé de la 2e partie n On retrouve quatre corps sur les cinq : 2 Français, 1 Américain et le guide nubien. Mais où est passé le 2e Américain ? Telle est, en tout cas, la version officielle des autorités égyptiennes et soudanaises, qui multiplient les patrouilles pour arrêter le fuyard. On signale l'Américain en plusieurs endroits, des gardes frontières jurent l'avoir vu. Mais deux personnes ne croient pas à cette version. II y a d'abord Françoise Durand, la sœur de Jacques. Elle a bien connu Donald à Paris et elle est sûre que c'est lui la victime et non le meurtrier. Quelque chose, son instinct de femme, ou simplement son bon sens, le lui dit. Quelque chose de si puissant qu'au mois de novembre, elle part pour l'Egypte avec un but qui semble insensé : prouver que le quatrième corps est celui de Donald Brogan. Bien loin de là, une autre femme, la mère du jeune homme, Mme Brogan, pense exactement la même chose : son fils est mort, elle en est sûre ; mort dans le désert avec les autres. Françoise Durand arrive au Caire et ce qu'elle va réussir est tout à fait exceptionnel. Elle fait le tour des autorités et des ministères. Elle attend des heures dans les antichambres, dans les couloirs ; elle essuie refus sur refus. Sa tâche est d'autant plus difficile qu'à l'époque les rapports entre l'Egypte et la France sont franchement mauvais. La crise de Suez n'est pas si loin et les relations diplomatiques sont toujours rompues. Pourtant, Françoise est persuasive. Elle met tant d'insistance, tant de conviction, tant de chaleur dans ses paroles, qu'on finit par l'écouter. On va exhumer le corps du guide, ne serait-ce que pour lui prouver qu'elle a tort et mettre un point final à toute cette affaire. L'exhumation a donc lieu. Elle ne donne rien de concluant. De part et d'autre, on campe sur ses positions. Et les choses vont en rester là, quand l'ambassade des Etats-Unis transmet à la police égyptienne un document capital. Mme Brogan a demandé au dentiste de son fils la radiographie de sa mâchoire. Et quand cette pièce parvient sur le bureau des autorités du Caire, une nouvelle expertise est décidée. Les divers plombages, la forme des dents et de la mâchoire ne laissent aucun doute : le quatrième corps est bel et bien celui de Donald Brogan. Il est rapatrié et inhumé en terre américaine. C'est ici que se termine la partie connue, officielle de cette histoire. Pour le reste.., pour le reste, il faut bien revenir au désert de Nubie. Que s'est-il donc passé le 30 ou le 31 juillet 1959 à quatre cents kilomètres au sud d'Assouan ? On peut d'abord imaginer le même récit que tout à l'heure, mais en changeant les noms de la victime et du meurtrier. Les cinq hommes mourant de soif, et dont l'esprit s'égare peu à peu, se disputent avec sauvagerie la possession des dernières gouttes d'eau. Et c'est le guide qui sort vainqueur de la lutte. D'ailleurs n'est ce pas vraisemblable ? C'est lui, l'homme du désert, habitué à la chaleur et à la soif, qui devait survivre. Mais on peut aller plus loin. On peut imaginer plus terrible encore. Le désert de Nubie n'est pas immense. Normalement, une expédition, même mal préparée, aurait dû en venir à bout ; à condition, bien entendu, qu'elle suive la bonne route, qu'elle ne s'égare pas, ou plutôt qu'on ne l'égare pas. Et si le guide avait tout prévu, tout calculé depuis le départ ? S'il avait conduit délibérément les quatre hommes à la mort, dans un endroit fixé à l'avance, un endroit difficile à repérer, où l'attendaient d'autres complices ? Bien sûr, il ne semble pas qu'il y ait eu pillage. Mais on n'a découvert que ce qui restait et on ne saura jamais ce qui a pu être volé. Car il est troublant que, malgré les recherches qui ont été entreprises, on n'ait jamais retrouvé le guide Waki. Alors pourquoi n'aurait-il pas trouvé refuge, avec sa provision d'eau, dans un village ami, où il vit peut-être encore, avec femme, enfants, petits-enfants et parfois, peut- être aussi, sa conscience ? Pierre Bellemare