Elle s?adressa à l?olivier : «Incline ta tête mon bel olivier, Laisse-moi, je te prie, Sur ton faîte monter ! Car je désire de la triste vie me délester, olivier ! Infléchis ta cime, si tu veux?» L?olivier l?interrompit : Ma cime inclinée ? Je ne peux ! Je suis arbre sacré et, je crains Dieu ! La princesse s?adressa alors au figuier : «Incline ta tête mon joli figuier, Laisse-moi, je te prie, Sur ton faîte monter ! Car je désire de la triste vie me délester, joli figuier ! Infléchis ta cime, si tu veux?» Le figuier, altier, l?interrompit aussi : Ma cime inclinée ? Je ne peux ! je suis un arbre sacré et, je crains Dieu ! Une senteur familière vint chatouiller les narines de jasmin. Soudain, ces mêmes effluves se firent plus pressantes. Bientôt, elles l?enveloppèrent tout en la guidant irrésistiblement vers un immense arbre recouvert d?une lourde et somptueuse floraison au parfum troublant. La jeune femme, de surprise, tomba à la renverse : elle venait de reconnaître les fleurs de la douleur. Mais, dans le verger du palais, l?arbuste s?était tellement développé que son faîte était couronné par les nuages. Jasmin s?adressa alors à l?arbre du malin : Grain de chagrin, de mes larmes Tu t?es abreuvé pour devenir fleur de douleur. Puis arbuste et à présent arbre de mon malheur ! Incline ta tête, car encore une fois, J?ai mangé ta braise et j?ai bu ton feu ! Arbre de l?affliction ! Tu ne peux que me laisser, Sur ton faîte monter, car la vie je veux la quitter !» L?arbre du malin baissa la tête et Jasmin grimpa jusqu?à la plus haute branche : en redressant sa cime, l?arbre projeta dans le vide la jeune femme. Quand le prince Lachegar revint, à la mine réjouie et au regard plein d?allégresse de son frère, il comprit qu?il était arrivé malheur à sa princesse. Comme un fou, il la chercha partout et finit par retrouver Jasmin, sans vie, allongé au pied de l?arbre du malin. Pris de fureur, il entreprit la même quête que sa princesse. Il s?adressa d?abord à l?olivier, au figuier et ensuite à l?arbre de la douleur. Le jeune homme à son tour, comme la princesse, fut dans le vide précipité. Quand le prince Lasmar découvrit le corps des deux amants, il les pleura puis les enterra. Sur la tombe de la princesse poussa, incontinent, un jasmin aux mille fleurs parfumées et sur la tombe du prince un rosier rouge aux effluves attrayantes. Les plantes n?avaient pas aussitôt poussé qu?elles entremêlaient déjà leurs ramées, s?entrelaçant, dès le matin, pour ne plus former qu?un seul plant armé à la fois de roses rouges et de fleurs délicates de jasmin. (à suivre...)