Deux ans après la révolution du Jasmin, la Tunisie a basculé dans la forme extrême de la violence : l'assassinat politique ciblé. La boîte de Pandore est ouverte ainsi à toutes les dérives, à toutes les options, y compris le spectre de la guerre civile. Les responsables de partis et de la société civile tirent la sonnette d'alarme, allant jusqu'à rappeler la période vécue par l'Algérie. Fragilisée par les conflits idéologiques autour du projet constitutionnel et de la formation du gouvernement, la Tunisie a connu hier des manifestations dans plusieurs villes du pays suite à l'assassinat de l'opposant politique. Selon des chaînes de télévision tunisiennes, plusieurs dizaines de manifestants ont pris d'assaut les locaux d'Ennahda à Mezzouna, à 75 km au sud-est de Sidi-Bouzid, avant de les incendier, selon plusieurs témoins interrogés par des journalistes tunisiens. A Gafsa, dans le bassin minier tunisien, des dizaines de personnes ont pénétré dans les locaux d'Ennahda, y brisant les meubles et arrachant les banderoles du mouvement. Quelque 700 personnes manifestaient pacifiquement dans cette même ville. Par ailleurs, environ 2 000 protestataires scandaient des slogans anti-islamistes à Sidi-Bouzid, le berceau de la révolte de 2011. Des centaines de personnes ont aussi manifesté à Kasserine, à Béja (nord-ouest) et à Bizerte (nord). A Tunis, une foule grandissante s'est réunie devant le ministère de l'Intérieur sur l'avenue Habib-Bourguiba, haut lieu de la révolte de 2011. Les chaînes de télévision tunisiennes ont montré la police lancer des gaz lacrymogènes sur les manifestants, venus exprimer leur colère et leur ras-le-bol de la situation du pays. La police a répliqué après avoir essuyé des jets de bouteilles. Des nuages de gaz se sont répandus sur toute l'avenue, à la faveur d'un vent fort. Les policiers ont aussi pourchassé les manifestants pour les disperser à coups de matraque, ajoutent des témoins sur le plateau de «Milaf Al Saâ» de la chaîne Hannibal TV, précisant que dès les premiers tirs, les magasins ont immédiatement baissé leur rideau. Les manifestants scandaient des slogans hostiles au pouvoir. Ils ont notamment repris le slogan de la révolte de 2011 «Dégage, dégage», ainsi que l'hymne national. Rabah Khazini