Avis - Au chaâbi, celui perpétué par les maîtres, respectant son authenticité, s'oppose le new chaâbi, une nouvelle tendance préconisée par une génération, soucieuse de rompre avec la tradition et d'initier quelque chose de nouveau. Si les puristes voient en cette tendance une hérésie, les progressistes, en revanche, la considèrent comme une simple innovation, une innovation qui s'inscrit dans la continuité. Si les uns critiquent ceux qui, pour eux, profanent le chaâbi parce qu'ils le considèrent comme étant sacré, inviolable, les autres voient en cela une ouverture. C'est d'ailleurs le cas de Réda Doumaz qui, s'armant de courage et, surtout, d'imagination, s'est lancé dans l'innovation du chaâbi, faisant alors fi des critiques et des considérations de ses détracteurs. «Je me suis lancé dans l'innovation du chaâbi tel que préconisé par un des maîtres de ce style musical, qu'est El-Hadj El-Anka», a-t-il expliqué, lors d'une rencontre, hier, au forum d'El Moudjahid, et de regretter : «Depuis son apparition, le chaâbi n'a cessé d'évoluer et d'être continuellement renouvelé afin de s'adapter à la sensibilité des jeunes générations.» Pour lui, le chaâbi se met au diapason des différentes générations. «El-Hadj El-Anka a modernisé cette musique, en introduisant des rythmiques nouvelles et de nouveaux instruments tels que la derbouka, le banjo, la guitare et même l'accordéon. Il a même essayé en 1964 d'introduire le saxophone. Il a réussi là où les maîtres de l'andalou ont échoué», a-t-il rappelé. Vient ensuite la génération d'El-Hachemi Guerouabi et Mahboub Bati. «Ces deux-là ont généralisé la chansonnette, elle-même version moderne de la q'cida classique, avant que le défunt Kamel Messaoudi n'en modifie la trame sonore et poétique», a-t-il dit. Considérant le new chaâbi comme «une forme contemporaine de la musique chaâbie, qui se nourrit de textes nouveaux, en prise avec l'actualité, et écrits par de jeunes paroliers s'inscrivant dans la tradition des enseignements des maîtres de ce style», Réda Doumaz regrette que le new chaâbi reste incompris. «Les réticences des uns et le rejet des autres sont dus à l'incompréhension», a-t-il expliqué. Ainsi, le refus de faire preuve d'ouverture d'esprit et d'accepter l'évolution de la musique explique l'attitude des puristes à l'égard du new chaâbi. En d'autres termes, la musique est évolutive, elle s'adapte à son temps. «Le new chaâbi est une création et celle-ci se présente comme une possibilité d'innovation dans la musique chaâbie», a-t-il estimé. Reda Doumaz estime que «le chaâbi ne doit pas rester figé et rigide». «Il faut encourager les jeunes chanteurs de chaâbi à innover pour faire évoluer le style, il faut cesser les imitations, les reprises tous azimuts et la contrefaçon artistique qui causent aujourd'hui une stagnation de la créativité musicale», a-t-il souligné. Autrement dit : les promoteurs du new chaâbi ont pour ambition d'apporter du nouveau sans pour autant toucher à l'essentiel. Et cette ambition transparaît dans ce nouvel instrument présenté, à cette occasion, par Réda Doumaz. L'originalité de ce dernier, c'est qu'il est à mi-chemin entre la mandole et la guitare manouche. L'objectif de cette démonstration consiste à illustrer l'innovation que l'on peut apporter à la musique chaâbie. C'est aussi pour dire que la musique évolue et ne peut être cantonné à une seule représentation ou à un seul imaginaire. Cet instrument, appelé «mandouche», a été conçu par Hakim Amokrane, maître charpentier algérien et artisan luthier amateur vivant à Londres, en collaboration avec le chanteur. Ainsi, ce nouvel instrument produit un son qui combine celui de la mandole classique avec celui de la guitare manouche. C'est aussi une manière d'innover dans le design et le son. Mais cela ne veut pas dire toucher au patrimoine. «Tout chanteur ou artiste doit laisser une touche, surtout qu'aujourd'hui le chaabi n'est plus confiné dans l'Algérois son bastion, mais des jeunes de tout le territoire s'intéressent de près à cette musique», a-t-il dit. D'où la nécessité de sortir des vieux sentiers battus.