Sensibilité Il a utilisé la poésie pour parler, décrire le sexe et recentrer les regards sur les frustations. InfoSoir : Comment est né Zorna ! ? Djaoudet Guessouma : Il était déjà né en 1997. Un concours de nouvelles était organisé par Radio France internationale, auquel j?ai participé. Mais il n?a pas été retenu parce que c?était trop long pour une nouvelle et trop court pour un roman. Plus tard, je l?ai peaufiné, en prenant tout mon temps pour la fignoler, et j?ai fini par l?éditer. Ce sont les éditions Chihab qui, ayant eu connaissance de mon roman, me l?ont commandé. Vous êtes artiste peintre et aussi écrivain. Comment se fait le passage entre les deux ? Et quel lien y a-t-il entre ces deux arts ? En fait, il n?y a pas de passage pour la simple raison que j?ai toujours écrit. D?ailleurs, tous les artistes peintres ont maîtrisé l?écriture. Il y a eu des échanges épistolaires entre eux. Dali a beaucoup écrit. Le lien, c?est qu?il y a un univers. Il y a un esprit qui réside et dans la peinture et dans le roman. La peinture décrit à sa façon ce qui a été décrit avec les mots dans le roman. Et le lien est dans cette atmosphère, une atmosphère qui est enjouée, très lyrique. Et en plus, les deux (la peinture et le roman) sont urbains. Ils sont très ancrés dans l?urbanité. Zorna est un prénom de fille, et c?est aussi un mot à résurgence musicale? L?esprit musical y est. C?est un choix voulu. C?est une histoire qui s?est inscrite dans ce sens. Elle est aussi l?incarnation d?un personnage mythique. Zorna est le personnage générique, c?est un personnage à conquérir, un rêve à réaliser. Il est aussi la ville, puisqu?il nous rappelle Alger. Il se trouve que Zorna ! nous rappelle Omar Guetlatou? On me l?a dit plusieurs fois. Il n?y a pas eu d?influence. C?est vrai qu?on pourrait, en revanche, prendre cela comme une espèce de Omar Guetlatou trente ans après, mais à partir du moment où ce n?est pas Merzak Allouache qui a inventé le rêve de la femme inaccessible, puisqu?on a vu ça chez Fellini et chez bien d?autres réalisateurs, donc je ne pense pas que cela soit du Omar Guetlatou, parce que Merzak Allouache définit d?autres valeurs. Mais si les gens s?y reconnaissent, donc ça ne pose aucun problème. Votre roman présente une rupture avec l?écriture de l?urgence, avec ces modalités d?écriture qui ont caractérisé le champ littéraire de cette dernière décennie. En effet. D?ailleurs, c?est une rupture voulue. On sort du roman de l?urgence, de la graphie de l?horreur, on sort du sang et de toutes ces images de violence qui ont caractérisé ces dix dernières années. Là on est dans une ?uvre romanesque très descriptive. Moi je voulais ? et cela est un acte conscient ? reconquérir une certaine partie du lectorat, lui redonner le plaisir de lire. C?est aussi cette volonté de donner aux lecteurs une histoire à lire belle et appréciable. Et ce côté intéressant, très visuel, était une manière de donner du direct au lecteur. Quand il lit, il voit les scènes, laissant son imagination vagabonder à travers l?espace romanesque. Votre livre, votre écriture illustrent cette nécessité de rompre avec les anciens modes d?écriture et ce besoin d?en créer d?autres? En effet, il y a cette nécessité radicale de rompre avec tous ces réflexes et de profiter un peu de cette mondialisation positive. Et pour créer et continuer dans le renouveau, il faut faire des ruptures, s?inscrire dans des valeurs universelles. Il est temps de renouveler l?imaginaire littéraire et le champ poétique. Il ne faut plus ressasser le passé. Il est temps d?aller à la recherche de nouvelles valeurs et de modes d?écritures, des valeurs qui sont constructives. Dans Zorna ! vous levez certains tabous, mais avec discrétion. Je ne lève pas, plutôt j?interpelle. Timidement, non, parce que je ne voulais pas faire dans le scabreux ou le voyeurisme, car la virginité ou le sexe sont des choses délicates, pour ne pas dire difficiles à interpeller. Donc, comme elles font partie de notre vie, mais d?une manière parallèle, ce sont des choses qui existent dans les coulisses de notre vie. Je voulais les interpeller de manière discrète, mais sans cachotteries. Mais effectivement, j?ai utilisé la poésie pour parler, décrire cela, et préciser, recentrer les regards sur les frustrations.