Les troupes américaines lancées dans le désert irakien le 20 mars 2003, épaulées par une coalition de plusieurs dizaines de pays, avaient reçu pour ordre de mettre la main sur de prétendues armes de destruction massive qu'on disait être en possession du régime de Saddam Hussein. En 2003, l'administration Bush avait mis en avant «des arguments de façade comme les armes de destruction massive et les liens de l'Irak avec Al-Qaîda. Aujourd'hui, tout cela semble grotesque», résume Crispin Hawes, directeur du service Moyen-Orient au sein d'Eurasia Group. Ce casus belli a fait long feu : aucun arsenal de ce type n'a jamais été retrouvé. Et très vite, les Etats-Unis travaillent à faire en sorte que l'Irak rejoigne le giron des alliés de l'Occident. Une entreprise tout aussi grotesque, argumentent nombre d'observateurs. «Tout cela a un arrière-goût bien amer aujourd'hui», conclut Crispin Hawes. La chute de Saddam Hussein et la destruction de ce pays n'ont eu comme effet que de renforcer l'hostilité envers cet Occident ambitieux, à en croire des diplomates occidentaux eux-mêmes. En soi, la guerre n'a pas duré très longtemps. Les bombardements ont commencé le 19 mars 2003, à la veille de l'invasion. Bagdad tombait le 9 avril et le 1er mai M. Bush déclarait la «Mission accomplie». Pourtant, l'après-guerre s'est avéré bien plus sanglant que la guerre elle-même. L'attentat contre un mausolée chiite de Samarra au nord de Bagdad, le 22 février 2006, a donné le coup d'envoi à un conflit confessionnel d'une violence inouïe. De 2006 à 2008, les bastions sunnites d'Al-Anbar et de Mossoul, les villes saintes chiites de Najaf et Kerbala, mais aussi Bagdad, ont été le théâtre de combats de rue, d'attentats et d'assassinats mettant aux prises insurgés chiites et sunnites, d'un côté, avec les forces de la coalition, de l'autre. Depuis l'invasion, au moins 110 000 civils irakiens ont péri dans les violences. Même la réconciliation nationale et une improbable consolidation des institutions qui devaient aller de pair avec la baisse des violences relatives enregistrées, ne sont toujours que des vœux pieux. Car dans les faits, si la violence a relativement baissé en intensité, les attentats continuent de tuer. Pour l'heure, c'est surtout le formidable retour des clivages religieux que l'Irak doit gérer, reportant du même coup la mise en œuvre de politiques à même de résoudre d'aussi brûlantes questions que celles des infrastructures, de la corruption, du chômage et de l'insécurité. C'est ainsi, que depuis fin décembre, la minorité sunnite bat le pavé pour réclamer la fin de la marginalisation dont elle estime être victime de la part du gouvernement du chiite Nouri al-Maliki. Les manifestations sont entrées dans leur quatrième mois et les protestataires réclament désormais la démission de M. Maliki.