Interrogation - Si le cinéma ne sait plus faire rire, s'il a perdu son sens de l'humour, qu'en est-il pour les planches ? Contrairement au 7e art, le théâtre continue à faire rire le public, mais moins qu'avant, car, comme pour le cinéma, l'on assiste à un repli. Comme au cinéma, en effet, il y a eu rupture dans les années 1990, il n'y a pas de continuité, donc de relève, avec la relance de la pratique théâtrale dès le début des années 2000. En montant sur scène, la nouvelle génération de comédiens, pour la plupart, se trouve en perte de repères, de référents ou de références, sans point d'appui, c'est-à-dire sans formation ni encadrement, elle mène seule la barque. La plupart des comédiens de cette nouvelle génération est autodidacte, des «amateurs», dont seule l'envie de faire du théâtre justifie la présence sur scène. Mais cela ne peut suffire pour réussir une comédie, ou y faire carrière, donc devenir un professionnel du 4e art. Djamel Guermi, comédien et metteur en scène, pour qui «le rire est une bouffée d'oxygène», déplore que la façon dont l'humour est utilisé dans le théâtre, et ce, comparativement à ce qui se faisait autrefois, a régressé, et pour cause «le travail mené en ce sens manque de rigueur et d'intelligence». «Le rire, comme élément scénique, doit être étudié soit dans le texte, soit dans l'interprétation, parce que le but est de créer des situations comiques qui donnent à rire, c'est pour cela qu'il n'est pas facile de faire rire au théâtre», explique Djamel Guermi, et d'abonder : «Le travail qui consistait à faire de l'humour dans le théâtre était bien mené par les comédiens de l'ancienne génération, leur démarche était réfléchie, étudiée. S'ils réussissaient dans leurs performances, c'est seulement parce qu'ils évoluaient dans un environnement intellectuel élevé et, en plus, ils étaient, il faut le souligner, cultivés, la plupart n'ont pas fait d'école, mais déterminés et sérieux, ils ont appris sur le tas. Le terrain était leur école. Ils se formaient et s'instruisaient.» Mais avec la rupture, l'humour est pris à la légère, il n'est donc pas étudié. Cela fait qu'il manque de subtilité et d'esprit. «Il est souvent utilisé à toutes les sauces», dit-il, et d'ajouter : «Quand un comédien fait de l'humour, il le fait sans objectif, juste parce qu'il a envie de le faire. C'est devenu un humour médiocre et dénué de sens, à croire que le comédien ne respecte pas le public algérien, sachant que celui-ci a le sens de l'humour, il un goût prononcé pour les situations comiques, il est connaisseur, réceptif, il est porté sur la qualité, puisqu'il suit ce qui se fait ailleurs, de l'autre côté de la Méditerranée, notamment en France.»Cette médiocrité s'explique par le fait que le comédien ne fait pas un travail sur l'humour qu'il veut partager avec son public. L'autre raison est l'absence de critique, d'encadrement. «L'artiste est seul, il n'y pas quelqu'un derrière lui pour l'interpeller, l'orienter. Chez-nous, ceux qui font du bon travail et ceux qui en font du mauvais, c'est du pareil au même. Le comédien doit être jugé, évalué..., mais apparemment il ne l'est pas», conclut Djamel Guermi.