Protestation - Des dizaines de milliers de personnes sont à nouveau attendues ce samedi, dans les rues de Turquie malgré les appels répétés du Premier ministre à l'arrêt immédiat de la contestation qui ébranle depuis neuf jours tout le pays. Toujours aussi déterminés, des centaines de manifestants ont passé la nuit à la belle étoile sur la place Taksim d'Istanbul et dans le désormais fameux parc Gezi, dont la destruction annoncée a déclenché la plus grave crise politique depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement islamo-conservateur en Turquie en 2002. Des dizaines de milliers de personnes étaient réunies sur l'emblématique place Taksim d'Istanbul pour réclamer la démission de M. Erdogan. Grâce à une collecte sur Internet qui a permis de récolter 102 000 dollars, les contestataires se sont offert, hier, vendredi, une pleine page de publicité dans le New York Times dans laquelle ils exigent «la fin des brutalités policières» et dénoncent «l'érosion constante de nos droits civiques et de nos libertés». La destruction annoncée du parc Gezi et ses imposants platanes, près de Taksim, a lancé la contestation, rapidement devenue une fronde contre le gouvernement et son chef. Les détracteurs du Premier ministre lui reprochent un exercice «poutinien» du pouvoir : médias sous la mainmise du pouvoir, concentration par l'AKP de l'ensemble des pouvoirs, arrestations en masse des opposants kurdes et d'extrême gauche et islamisation rampante de la société. Le Premier ministre turc a esquissé, hier, un geste d'apaisement envers les manifestants qui réclament depuis huit jours sa démission, après un nouveau rappel à l'ordre de l'Europe sur les violences policières. Très ferme contre les «vandales et les extrémistes» devant ses partisans lors de son retour en Turquie dans la nuit, le chef du gouvernement s'est montré un peu plus conciliant dans l'après-midi devant un forum international, en se déclarant prêt à entendre toutes les «revendications démocratiques». «Nous sommes contre la violence, le vandalisme et les actions qui menacent les autres au nom des libertés», a déclaré M. Erdogan lors d'une conférence à Istanbul sur l'Europe. Mais «nous accueillons de tout cœur ceux qui viennent avec des exigences démocratiques», a-t-il ajouté. Juste avant qu'il ne prenne la parole, les Européens ont, une nouvelle fois, rappelé le dirigeant turc à ses devoirs démocratiques. «Le recours excessif à la force n'a pas sa place dans une démocratie», a lancé devant son hôte le commissaire européen à l'Elargissement, Stefan Füle, en soulignant que les manifestants avaient un droit «légitime» d'exprimer leur opposition. Il a aussi demandé une enquête «rapide et transparente» sur les violences policières. M. Füle a toutefois assuré que la fronde qui agite la Turquie n'aurait pas d'impact sur son processus d'adhésion à l'Union européenne (UE), paralysé depuis des années. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a «condamné l'usage disproportionné de la force» par les autorités turques et les «tirs ciblés de grenades lacrymogènes» visant particulièrement les journalistes à Istanbul. Et un tribunal suisse a annulé, hier, la décision de l'Office fédéral des migrations (BFM) de rejeter la demande d'asile d'un jeune militant kurde, estimant qu'il y avait encore pour lui un vrai risque de torture et de mauvais traitements en Turquie. Le Premier ministre turc a réagi vigoureusement en dénonçant le «deux poids, deux mesures» des critiques qui pleuvent sur son pays. «Dans n'importe quel pays d'Europe, lorsqu'il y a une protestation violente contre un projet de démolition de ce genre, croyez-moi, ceux qui sont impliqués subissent une répression plus sévère», a-t-il lancé.