Négociations - Des tractations se poursuivent pour le poste de Premier ministre, pour lequel le prix Nobel de la paix Mohamed El-Baradei a été pressenti. Le choix d' El-Baradei, annoncé hier samedi par plusieurs sources politiques et militaires, s'est finalement heurté aux réserves du parti salafiste al-Nour, partenaire islamiste d'une coalition principalement composée de partis et mouvements laïques. Le président par intérim Adly Mansour, nommé par les militaires dans la foulée du renversement mercredi dernier du président Mohamed Morsi, a fini par faire savoir qu'il n'avait pas pris de décision finale même si le choix d'El-Baradei restait à ses yeux «le plus logique». Ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et prix Nobel de la paix en 2005, El-Baradei, 71 ans, avait été choisi par l'opposition laïque pour être sa «voix» dans la transition post-Morsi qui s'ouvre. Il a fait son retour en Egypte en 2010, accueilli triomphalement par des centaines de partisans à l'aéroport du Caire, pour se lancer dans l'opposition à Moubarak. Très vite, il tente de fédérer l'opposition autour d'un projet de réformes. Il séduit dans les milieux de la jeunesse éduquée, des intellectuels et des classes moyennes urbaines, qui formeront l'avant-garde de la révolte contre Moubarak. Il souffre toutefois d'un manque de visibilité dans l'Egypte profonde et le pouvoir lance à l'époque une virulente campagne contre lui, qui laisse des traces durables, le présentant comme déconnecté de la réalité égyptienne, voire comme un agent de l'étranger. Sa nomination à la tête du gouvernement apporterait à la transition, qui se met en place en vertu d'une «feuille de route» élaborée par l'armée, la caution d'une personnalité internationalement connue, aux fermes convictions démocratiques. Elle risque en revanche de braquer les islamistes de tous bords, qu'ils soient ou non partisans de Morsi, qui lui reprochent notamment d'être plus populaire dans les salons du Caire que dans les campagnes égyptiennes. «El-Baradei est une personnalité technocratique, qui n'est pas en mesure de faire cesser le clivage qui prévaut dans la rue», a déclaré un haut responsable d'al-Nour. Quel qu'il soit, le prochain chef de gouvernement aura une lourde mission. Il héritera d'un pays au bord de la banqueroute, dont les divisions politiques se traduisent par des affrontements meurtriers, et devra aussi préparer des élections législatives et présidentielle, à une date encore non-déterminée. Nouvelle fatwa d'Al-Qaradaoui «Toute leur action est nulle et non avenue», a proclamé cheikh Qaradaoui à propos de «ceux qui ont destitué le président Morsi, suspendu la Constitution et imposé un autre président et une autre Constitution», dans cet avis religieux publié sur son site internet. Ce mentor des Frères musulmans prévient que «la charia (loi islamique) impose à tous les croyants de faire allégeance au président élu, d'exécuter ses ordres et de se conformer à ses directives». Morsi doit «rester président et aucun ne peut prétendre, au nom du peuple, avoir le droit de le destituer», ajoute cheikh Qaradaoui, un ressortissant du Qatar d'origine égyptienne. Selon lui, l'imam d'Al-Azhar, cheikh Ahmed al-Tayeb, et le patriarche copte, Tawadros II, n'ont «pas été mandatés» par leurs communautés respectives pour parrainer la destitution de Morsi. Cheikh Qaradaoui a aussi appelé le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, considéré comme le nouvel homme fort du pays, et «tous ceux qui sont avec lui de se retirer pour préserver la légitimité» de la direction renversée. Ce prédicateur a été déchu de la nationalité égyptienne par le président Gamal Abdel Nasser pour son appartenance aux Frères musulmans, puis a obtenu la nationalité qatarie. Il s'est illustré, lors de ses apparitions répétées sur la chaîne satellitaire Al-Jazeera, par ses encouragements aux soulèvements dans les pays du Printemps arabe. La justice interroge des chefs des Frères musulmans Les interrogatoires de plusieurs hauts dirigeants des Frères musulmans ont commencé, hier, samedi, dans le cadre d'une enquête pour «incitation au meurtre» de manifestants. La justice a interrogé notamment Mehdi Akef, l'ancien guide suprême de la confrérie, Khairat al-Chater, son actuel numéro 2 arrêté dans la nuit de vendredi dernier, Saad al-Katatni, chef du Parti de la liberté et de la justice, vitrine politique des Frères musulmans et Rached Bayoumi, adjoint du Guide. Katatni et Bayoumi ont passé deux jours en détention avant d'être libérés après que le parquet s'est assuré de leur lieu de résidence. Ces interrogatoires interviennent trois jours après le coup militaire qui a renversé mercredi dernier le président Mohamed Morsi, lui-même issu des rangs de la confrérie. Les dirigeants de la confrérie doivent répondre d'«incitation au meurtre» de neuf manifestants et de tentative d'incitation aux meurtres de nombreux autres lors d'une attaque contre le siège des Frères musulmans à Mokattam, un faubourg du Caire. Des charges supplémentaires pèsent contre Katatni et Bayoumi, dont l'«incitation au meurtre» de manifestants hostiles aux Frères musulmans lors d'affrontements près de l'Université du Caire. Après le coup de force de l'armée, la justice a lancé 300 mandats d'arrêt contre des membres de la confrérie et arrêté plusieurs de ses leaders. Morsi lui-même est toujours détenu par l'armée.