Force Aujourd?hui, grâce à ces cours, Rochdi arrive à répondre aux insultes de ses amis et à rejeter leurs attaques sans avoir froid aux yeux. Rochdi sourit timidement. A 33 ans, il suit des cours d?alphabétisation depuis 4 ans. «Je regrette amèrement d?avoir abandonné mes études, même si j?étais épileptique, car j?ai dû subir les insultes et les moqueries quotidiennes de mes amis qui ont fini par me bouder et m?exclure de la bande.» «Que te disaient-ils et quelles étaient les expressions les plus blessantes ?» Il sursaute à ces questions, comme effrayé par la réponse. Il se tait un bon moment, laisse traîner son regard hagard, puis baisse la tête et détourne son visage bistré. Il pleure : «Tu es un âne, un idiot. Tu ne sais ni nous parler ni nous répondre. Tu es un incapable, un être inutile.» Des aveux qui sortent péniblement de sa grande bouche. «Je souffrais intérieurement, je ne me confiais à personne. Dès que je rentrais à la maison, j?allais aux toilettes et je sanglotais. Que leur dire ? Ils avaient raison et j?avais tort. Je ne pouvais répondre, je n?avais aucune force.» Sa mère s?en est vite rendu compte, en voyant les yeux bouffis de son enfant. D?ailleurs, c?est elle qui l?a encouragé à reprendre le long chemin de l?école. «Elle a toujours regretté de n?avoir jamais étudié. Elle me disait que c?était une clé qui ouvre toutes les portes de la vie.» Un jour ne supportant plus la douleur de son ami Rochdi, Amar décide de l?inscrire à des cours d?alphabétisation. Depuis, il se porte mieux. «Je ne savais ni lire, ni prononcer les mots, ni même tenir un stylo. Aujourd?hui, j?arrive à lire le Coran, le journal, les livres. Je n?ai plus besoin que l?on m?explique les choses. Je peux aussi affronter mes amis et me défendre.» Rochdi ne vise pas une carrière ; il veut juste apprendre pour pouvoir travailler, avoir un gagne-pain, mais surtout pour ne pas avoir à quémander l?aide des autres et se voir rejeté du groupe.