Résumé de la 31e partie - Iru l'a griffée, mais est-ce vraiment lui qui lui aurait transmis la lèpre ? Chantal en arrive à douter... Elle avait accompli machinalement ce geste oublié depuis son changement d'existence. Elle alla droit devant elle, sans but déterminé. Pendant plus d'une heure, elle erra dans ce Quartier Latin, qui semble toujours prêt à accueillir les désespérés, laissant volontairement sur sa droite la rue Saint-André-des-Arts, où, décidément, elle se sentait incapable de passer la nuit seule dans une chambre d'hôtel. Elle préférait s'étourdir, ne plus penser à rien, ni aux médecins ni à son cauchemar. Elle traversa ensuite la place de la Concorde et, par la rue Royale, se dirigea vers ce Montmartre où elle pourrait se griser de champagne et de bruit. Après une nuit blanche, elle serait guérie : elle en était sûre. Les affreuses taches auraient disparu ; elle rentrerait dans son appartement auprès de tout ce qui lui était cher, irait de nouveau avec Jacques un vendredi soir chez «Maxim's», continuerait à acheter chez «Marcelle et Arnaud» toutes les robes qui plaisaient à Mme Berthon. Sa vie reprendrait son cours normal de joie et de luxe. Qui pourrait se douter qu'elle avait eu la lèpre pendant vingt-quatre heures ? Ce fut dans cet état d'âme étrange, le front brûlant, l'esprit surexcité, qu'elle pénétra dans un bar de la rue Pigalle d'où s'échappaient les notes rythmées d'un piano qui jouait un air de jazz. Le bar était désert ; le pianiste grand garçon blond aux cheveux frisés, dans le cou et dont les traits tirés prouvaient qu'il ne devait pas manger tous les jours à sa faim, improvisait. Seule occupante d'un tabouret, Chantal commanda un whisky. Au moment où elle allait quitter cet établissement sinistre, la porte s'ouvrit et livra passage à un homme brun, encore jeune, qui commanda d'une voix claire : — Un grog américain bouillant ! — L'hiver arrive, n'est-ce pas Monsieur ? lui dit le barman tout en préparant la boisson brûlante. — Je m'en moque ! A quelle heure ouvrent les boîtes de nuit ? — D'ici une petite heure. — Qu'est-ce qu'il y a de bien par ici ? — «Sans souci»... Un nouveau cabaret qui possède un excellent orchestre. Vous y trouverez de belles filles. L'homme ne répondit pas et se contenta de regarder la large glace qui formait le fond de décor du bar. L'admirable figure de Chantal s'y reflétait avec les yeux bleus qui le fixaient. L'inconnu d'un soir dut estimer qu'il n'avait plus besoin de chercher la belle fille : elle était assise à côté de lui. — Puis-je vous offrir quelque chose ? lui demanda-t-il. — Oui, répondit-elle sans hésitation. Je prendrai bien un whisky ; ça ne fera guère que le deuxième. (A suivre...)