Résumé de la 79e partie ■ Le Dr Watson annonce à Chantal que son traitement va commencer immédiatement... Plutôt que de vous faire absorber le chaulmoogra par voie buccale, ce qui est infiniment désagréable et vous obligerait à vous mêler, aux autres malades à l'heure du traitement, nous vous ferons des injections : sœur Marie-Ange ira vous piquer deux fois par semaine. Elle sera chez vous demain matin. Les jours de piqûre, il faut rester allongée. Nous verrons dans six mois le résultat malheureusement, ce n'est pas comme la diphtérie où deux ou trois piqûres de sérum suffisent. De toute façon, dites-vous bien qu'à l'heure actuelle vous n'êtes pas contagieuse et que vous ne le serez peut-être jamais. Le Dr Watson s'était tu. Chantal sortit, toujours accompagnée de Marie-Ange qui lui dit : — Vous pouvez avoir une confiance absolue dans notre médecin-chef. Permettez-moi de vous donner, à mon tour, un conseil : ne restez pas trop renfermée sur vous-même ; vous deviendriez neurasthénique et les autres malades finiraient par vous détester. On jalouse toujours ceux qui peuvent éviter d'être soumis au régime commun ; vous serez soignée à part, mais n'ayez pas peur de vous mêler de temps en temps à ces malheureux, par exemple au cours des fêtes qu'ils donnent ou des cérémonies religieuses. Bien que vous n'ayez pas la foi, donnez-leur l'impression de croire tout de même à la rédemption universelle ! Si vous passiez, dans leur esprit, pour la belle Européenne qui se désintéresse totalement de leur sort ; je finirais par être inquiète pour le vôtre ; je ne suis pas depuis très longtemps à Makogaï, mais suffisamment pour y avoir découvert que les malades y sont aigris. Leur liberté perdue, leur personne humaine défigurée, la souffrance physique, la conscience d'être frappés injustement, une rancune sourde contre la société, provoquent un état mental qui peut être exprimé par ces mots défiance, inquiétude, irritabilité. Le lépreux, comme tout malade chronique, est harassé et impressionnable. Il a le temps de réfléchir, de rouler ses pensées ; il fermente et devient, à quelque degré, un persécuté. Enfin, n'oubliez jamais que vous êtes dans une île, longue de trente kilomètres, qui vous oblige, que vous le vouliez ou non, à vivre au contact des autres habitants. Tout en marchant, elles étaient arrivées devant l'église de Makogaï, construite en planches et surmontée d'un clocher rappelant ceux de certains villages de France. Il fallait que la religion fût bien forte pour faire surgir partout au monde des clochers semblables. Le Père Rivain, l'aumônier que Chantal avait entrevu la veille, était en conversation sur le seuil de l'église avec la supérieure, Mère Marie-Joseph. — Venez-vous visiter mon église ? demanda l'aumônier en souriant à la jeune femme. Si elle n'atteint certainement pas les splendeurs d'une cathédrale, je vous certifie qu'elle inspire la piété. (A suivre...)