Résumé de la 83e partie ■ Le Révérend David Hall, regarda par-dessus ses lunettes, abandonna le fauteuil et s'approcha de la clôture où se trouvait Chantal... Nous avons tous deux pour mission d'arracher des âmes au paganisme et de les faire bénéficier des innombrables bienfaits de la Chrétienté. Vous qui êtes précisément sans religion serez mieux placée que personne pour juger les effets de nos enseignements. Dites-vous dès maintenant qu'avant l'apparition des missionnaires chrétiens, les pratiques religieuses des Fidji dépassaient en monstruosité tout ce que l'on pouvait imaginer ! Avez-vous remarqué, en pénétrant hier sur le Saint-John dans la baie de Dailice, ces deux îlots qui, telles deux sentinelles avancées dans la mer, gardent le port ? L'un a reçu des indigènes le nom de «Tabaka» qui signifie «arête» ; ce rocher nu servait, il n'y a pas si longtemps, de monument funéraire naturel aux chefs de tribus de Makogaï On y retrouve encore actuellement des ossements prouvant son usage primitif. Très peu élevé, Tabaka est facilement submersible les jours de grande tempête, fréquentes dans ces parages. Quel spectacle est plus émouvant que celui de cette tombe millénaire périodiquement balayée par l'écume des vagues ! A marée basse, Tabaka est réuni à la grande île par une étroite bande de terre, sorte d'invite pour les primitifs à venir honorer les restes de leurs chefs. Vous avez, sur votre côte normande, un flot qui s'y apparente : Tabaka est le Mont-Saint-Michel du Pacifique. Chantal écoutait la voix calme du pasteur, avec plaisir ; elle aimait cet accent anglais. — L'autre îlot fait face à Tabaka ; il est beaucoup plus grand. C'est «Makodragna» ou île des chèvres, ainsi dénommée depuis le jour où notre médecin-chef, le Dr Watson, y fit acclimater cet animal, voici une douzaine d'années. îlot rocheux comme son vis-à-vis Makodragna, terre de désolation, est la demeure habituelle d'un démon bien connu qui a nom Ramanaké... Ce personnage, sorte de sirène, sifflait dans un bambou au passage des navigateurs. Ceux-ci charmés ne se méfiaient plus des mille et un récifs qui défendent les lieux. C'était invariablement le naufrage. Les pauvres gens, y laissaient leurs corps, et leurs biens allaient enrichir les trésors accumulés ainsi par ce forban de démon. Cet esprit siffleur est d'ailleurs docile : il se manifestera à vous si vous savez l'appeler dans son langage. En mer, il peut même être d'un précieux secours. On m'a cité maintes fois le cas de malheureux sur le point de sombrer au cours d'une tempête, comme il en existe seulement dans le Pacifique, qui furent sauvés par Ramanaké. La condition indispensable, pour qu'il se manifestât sous ce jour était de lui offrir un sacrifice en l'invoquant. (A suivre...)