Attitude Tony Blair aime bien l'Europe. Pas avec la passion des rhéteurs fédéralistes, certes. Mais «de manière pragmatique». Comme un instrument incontournable pour conforter la place du Royaume-Uni dans le monde. «Nous sommes dans une situation unique au monde», explique-t-il. «D'un côté, nous sommes le plus solide allié des Etats-Unis ? la seule superpuissance de la planète ? et, de l'autre, nous appartenons à la plus grande alliance politique en même temps que le plus grand marché économique mondial, grâce à l'Europe.» Mais cette approche «utile» de l'Union est déjà un péché pour nombre de Britanniques. L'Europe n'est rien d'autre, à leurs yeux, qu'une espèce de «machin» continental superfétatoire. Les résultats des dernières élections au Parlement de Strasbourg témoignent du fossé qui se creuse entre pragmatiques et eurosceptiques. Dans ces conditions, et quoi qu'il en soit, le Premier ministre fait profil bas. Lui qui se targuait de vouloir ancrer le Royaume-Uni au centre de l'Europe, d'en être l'âme, le c?ur et les poumons, se voit contraint de limiter son ambition aux frontières d'une Europe minimale couturée des «lignes rouges» qu'il lui impose. «A l'inverse de la France et de la plupart de nos partenaires européens, nous devons affronter la propagande antieuropéenne d'une opposition tory forte et de médias puissants, sans interruption, douze mois par an», explique Denis MacShane, le ministre des Affaires européennes. Pas étonnant qu'entre désinformation, morgue d'insulaire et xénophobie militante, l'idée européenne végète. Porté par l'électorat, le Parti de l'indépendance du Royaume-Uni (Ukip) se propose de «détruire» l'Union, rien de moins. Les conservateurs contestent à Tony Blair «l'autorité morale» de souscrire à la Constitution au nom du peuple britannique. Rupert Murdoch, propriétaire des journaux les plus antieuropéens, menace de retirer son soutien au gouvernement. Le peuple murmure. A un an ? vraisemblablement ? des législatives, Tony Blair, malmené lors des élections locales et des européennes, doit, donc, ménager les détracteurs de l'Europe et accommoder son électorat s'il veut accomplir un troisième mandat de Premier ministre à Downing Street. Peu à peu, il cède sur des convictions qu'il affirmait coulées dans le bronze. D'où la promesse, en avril dernier, par exemple, d'organiser un référendum sur la Constitution, pourtant jugé inutile en mars. D'où les effets de manches, à Bruxelles, dans une posture «aussi nationaliste que possible», selon le quotidien The Independent, pour montrer au peuple britannique que son Premier ministre sait défendre le Royaume-Uni contre les tentations supranationales de ses partenaires.