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“Nous sommes déterminés à éradiquer l'islamisme”
Graham Hand, ambassadeur de Grande-Bretagne à Alger
Publié dans Liberté le 25 - 01 - 2003

M. Graham Hand affirme que l'attitude de la Grande-Bretagne vis-à-vis de l'islamisme a changé. Il reconnaît que son pays a constitué, depuis longtemps, un refuge pour les activistes ; des activistes souvent liés aux réseaux terroristes que le monde veut aujourd'hui combattre.
L'ambassadeur du Royaume-Uni se veut, d'un autre côté, rassurant à propos du sort des Algériens. Dans la récente opération dans la mosquée de Finsbury, au nord de la cité londonienne, au moins cinq de nos ressortissants étaient parmi les personnes arrêtées.
Concernant l'Irak, M. Hand estime que les chances d'éviter la guerre “diminuent de jour en jour”. Pour lui, seule la force peut venir à bout de Saddam Hussein.
Liberté : Excellence, Scotland Yard (la police britannique, ndlr) vient de mener avec succès une opération anti-islamiste dans la mosquée de Finsbury, au nord de Londres. Cela dénote-t-il un début de “nettoyage” des activités islamistes au Royaume-Uni ?
M. Graham Hand : Ce qui s'est passé récemment à Londres, avec cette opération de Finsbury, qui certainement en appellera d'autres dans le reste des villes britanniques, est un signe évident de notre lutte contre les activistes islamistes ou, si on veut aussi, contre ceux qui soutiennent les réseaux terroristes dans notre pays. Cela, j'en suis absolument sûr, ne va pas s'arrêter là.
Nous sommes peut-être en retard dans cette lutte par rapport à des pays comme l'Algérie, mais nous essayons maintenant de faire le nécessaire. Nous n'arrêterons qu'une fois le problème réglé.
La liberté éprouvée par les intégristes, notamment à Londres, choque non seulement les pays qui, directement ou indirectement, en souffrent — le cas de l'Algérie est édifiant —, mais aussi l'Occident. Comment l'expliquez-vous ?
Il faut effectivement reconnaître que ces activistes ont, par le passé, trouvé refuge à Londres. Des gouvernements autres que celui de l'Algérie nous ont reproché cela. Pour autant, il ne faudrait pas perdre de vue nos traditions en matière de liberté d'expression. Ceci rappelé, il est utile de noter le changement de notre attitude après les choquants événements du 11 septembre 2001. Il est certain qu'on aurait souhaité voir cet éveil dès le début des massacres en Algérie qui, malheureusement, n'ont pas touché la mentalité britannique de la même façon.
Je suis en tout cas heureux qu'il y ait maintenant une meilleure compréhension entre nos deux pays dans ce domaine.
Le gouvernement de Tony Blair est-il donc vraiment déterminé à faire la guerre à l'islamisme, à commencer par les réseaux du Royaume ?
Finsbury, c'était tout de même 150 policiers et deux hélicoptères ! C'est une preuve de sérieux. Et ce ne sera pas le dernier effort dans la lutte anti-islamiste en Grande-Bretagne. Je puis vous assurer que le gouvernement de M. Blair est absolument déterminé à éradiquer ce phénomène. J'espère au moins qu'il sera reconnu que mon pays contribue à cette lutte mondiale contre le terrorisme.
Mon gouvernement sait clairement que l'islamisme a le potentiel d'être très dangereux pour la communauté internationale. Les activités extrémistes, qui dépassent les limites de la religion musulmane, ne sont pas acceptables.
Est-ce que Scotland Yard a un fichier exhaustif des organisations et des activistes islamistes dans le pays ?
Vous devinez naturellement que la réponse est oui. Et dans ce fichier — établi depuis longtemps — figurent des organisations proscrites, comme le GSPC et le GIA. Par ailleurs, le cas de beaucoup d'autres organisations est en train d'être minutieusement examiné.
Y a-t-il, dans ce sens, une coordination entre les services de renseignements algériens et britanniques ?
Je ne peux vous en dire beaucoup. Je suis en tout cas très satisfait de la nature et de l'importance de cette coopération.
Les islamistes de Londres semblent appeler Finsbury “Le quartier algérien”. Cela prouve, si besoin est, l'existence d'une solide filière algérienne à Londres…
Il y a beaucoup d'Algériens à Londres. Et la plupart sont corrects et honnêtes. Ils y sont légalement établis et travaillent comme les autres étrangers. Mais il y a aussi ceux qui ne respectent pas les lois du pays.
Je ne peux pas confirmer l'identité des personnes arrêtées au cours de l'opération de Finsbury ; ces personnes sont de diverses nationalités. Il ne s'agit donc pas seulement d'Algériens. En tout état de cause, comme je l'ai déjà souligné, l'affaire ne fait que commencer.
La Grande-Bretagne n'a-t-elle pas le sentiment coupable d'avoir, indirectement, participé, de par son laxisme, à encourager le développement de l'islamisme et du terrorisme islamiste international ?
Laxisme est un terme bien dur. Nous avons simplement gardé notre sens de la liberté d'expression. Il n'est pas défendu, à Londres, d'adopter des attitudes islamistes ou autres d'ailleurs. Sauf que nous faisons désormais la différence entre ces attitudes et les activités susceptibles d'alimenter le terrorisme ou les activités de nature à causer des torts aux gouvernements de pays tiers. Je le dis, maintenant, nous faisons cette différence.
D'autant qu'à la mosquée de Finsbury des armes ont été découvertes…
Nous reconnaissons qu'il y a des risques d'attaques terroristes contre et à l'intérieur de la Grande-Bretagne. Mon premier ministre est même certain qu'il y aura un acte terroriste important contre notre pays. Nous nous préparons le mieux possible à ce moment-là.
Excellence, le monde n'a d'yeux en ce moment que pour l'Irak. Le déploiement des forces américaines devient de plus en plus important. Y a-t-il, à la phase actuelle de la crise, des chances d'éviter la guerre ?
Il est possible de l'éviter. La Grande-Bretagne ne souhaite pas la guerre. Toutefois, je dois dire que ces chances diminuent de jour en jour parce que Saddam Hussein n'assume pas ses responsabilités. Saddam doit identifier clairement ses armes chimiques et bactériologiques ou bien partir (trouver refuge dans un autre pays) et céder sa place à un gouvernement plus responsable.
La guerre serait évitée s'il choisissait l'une de ces deux options. Sinon, on garde comme dernier recours la possibilité de régler le problème par la force. Il est bien évident pour le gouvernement britannique — les expériences passées l'ont prouvé — que sans la menace crédible de la force, Saddam n'obéira pas à la communauté internationale.
En clair, Saddam doit partir de l'Irak.
S'il ne part pas, il doit au moins identifier ses armes de destruction massive et les remettre aux inspecteurs des Nations unies. La question des armes est l'aspect important.
Jusqu'à présent, les inspecteurs onusiens ne semblent pas affirmatifs quant à l'existence d'armes de destruction massive en Irak.
Les traces existent même si, à l'heure actuelle, la preuve n'en est pas encore formellement établie. Mais les Britanniques aussi bien que les Américains détiennent des informations qui l'attestent. Donc, il ne s'agit pas pour les inspecteurs, qui sont du reste pas nombreux, de produire des évidences ; il s'agit pour Saddam de déclarer ce qui est la vérité et non de remettre ce document de 12 000 pages imaginaire.
La Grande-Bretagne n'est-elle pas en train de s'aligner sans condition sur les positions américaines ? En d'autres termes, la Grande-Bretagne ne fait-elle que suivre les intentions de Washington ?
Quand j'étais à Londres pour la conférence des ambassadeurs, Tony Blair a parlé de cette question avec nous. Il a dit : “Je suis les Etats-Unis parce que je suis certain que leur attitude est non seulement correcte mais aussi nécessaire concernant cette crise irakienne.” Le débat entre nos deux pays est sérieux ; il ne s'agit pas pour nous de recevoir des ordres de Washington mais d'un débat intensif à plusieurs niveaux entre nos deux gouvernements pour parvenir à une position qui satisfait les deux parties. Maintenant, si les autres pays ne marchent pas avec nous, c'est leur bon droit aussi.
Justement, votre gouvernement paraît esseulé en Europe. La France ou l'Allemagne, par exemple, sont contre la guerre.
Ce n'est pas à moi d'expliquer la politique de la France et de l'Allemagne. Je reconnais bien sûr qu'il y a, en la circonstance et la matière, de grandes divergences. Il n'y a pas de doute que l'avenir de la Grande-Bretagne est au sein de l'Union européenne ; nous n'avons pas d'autre choix. Cependant, sur quelques questions, il peut parfois y avoir des divergences de fond. Ce n'est pas une faiblesse de l'Union mais une force. Chaque gouvernement a ses choix internes.
Je reste persuadé que les questions qui nous unissent sont bien plus importantes que celles qui nous divisent.
Une guerre contre l'Irak risque d'avoir des répercussions négatives sur les relations entre la Grande-Bretagne et l'Occident de manière générale, d'une part, et le monde arabe, d'autre part…
Je ne le souhaite pas. J'ai le sentiment que les leaders du monde arabe comprennent parfaitement que Saddam est un homme du mal. Je suis frappé ici par l'attitude des Algériens : ce qui inquiète, ce sont évidemment les risques de pertes humaines, pas Saddam lui-même. Nous le comprenons nous-mêmes et l'acceptons sans réserve. Malheureusement, ce dernier ne montre aucune volonté d'éviter cette éventualité. Je crains que l'action militaire ne provoque des morts parmi la population. J'espère qu'il y en aura le moins possible.
Ne pensez-vous pas que, dans le monde, il y a des dictateurs comme Saddam, des gouvernements aussi dangereux que lui, auxquels il faudra s'attaquer aussi un jour ?
Pas beaucoup. Je pense que s'il n'est pas unique, Saddam est presque unique en son genre. Le monde, lentement, devient plus moderne ; Saddam est un dictateur du passé. Il est temps pour lui d'admettre que le monde est différent. Il ne peut pas continuer à s'opposer à la volonté de la communauté internationale, clairement exprimée par le vote unanime du Conseil de sécurité.
L. B.


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