Constat ■ Le phénomène de la mendicité, à Constantine dépasse tout entendement et ses ramifications ne connaissent plus de bornes. Des bébés, de quelques jours à peine, placés à côté de leurs supposées mamans, sont exposés à longueur de journée comme «des bêtes de cirque», interpellant la compassion des passants. Entre stratégie de marketing émotionnelle et détresse matérielle réelle, le spectacle est désolant, voire, à bien des égards, dégradant. Il entache non seulement l'image du pays et ses efforts pour réduire le seuil de pauvreté et améliorer la qualité de vie des citoyens, mais «hypothèque» aussi l'avenir de ces petits innocents et bafoue leur droit essentiel, celui d'être protégés contre toute forme d'exploitation. Aya et Chaïma sont des bébés jumelles élevées dans la rue. Tous ceux qui fréquentent l'avenue Abane-Ramdane, au centre ville de Constantine, ont dû être frappés par la scène offerte par ces jumelles âgées de six mois à peine, placées dans une poussette, à côté de leur présumée mère devant un local commercial. Depuis le mois d'octobre, ces jumelles et leur mère font partie du décor d'une des artères les plus fréquentées du centre de la ville du Vieux-Rocher. Même quand le froid est vif ou que la pluie fouette les visages, ces bébés, la tête couverte d'un bonnet en laine, enveloppés dans des couvertures, occupent chaque jour cette partie du trottoir. La maman qui tient dans la main une boîte de lait pour bébés «premier âge», interpelle, sans dire un mot, les âmes charitables. Par moment, cette même femme donne des biberons, préparés dans des conditions très douteuses à «ses» jumelles, offrant ainsi un spectacle qui ne peut que fendre les cœurs. Souvent, des passants s'arrêtent devant cette scène insoutenable. Quelquefois, des Constantinois émus leur donnent, soit des pièces de monnaie, soit du lait en boîte, soit des couches-bébés, ou de menus autres articles achetés au magasin devant lequel la mendiante et ses jumelles élisent domicile. Les yeux perdus dans le vague, peu bavarde, cette femme, la trentenaire, affirme qu'elle est divorcée et sans famille. Sans s'attarder sur son cas, elle assure qu'elle s'est retrouvée, du jour au lendemain, seule avec deux enfants sur les bras. A quelques mètres des jumelles et de leur mère, une autre maman, debout devant la poussette de son garçonnet, interpelle, d'une voix plaintive, les passants, en un refrain ininterrompu. Le regard triste, la femme, la vingtaine à peine, se présentant comme une Syrienne, affirme qu'elle a fui avec son bébé et d'autres membres de sa famille, l'insécurité régnant dans son pays. Elle assure aussi que chaque membre de sa famille «se débrouille» comme il peut pour se nourrir et se loger. Un spectacle désolant qui suscite la pitié des passants qui n'hésitent pas à mettre la main à la poche pour donner une obole avant de continuer leur chemin, la conscience tranquille. Tout à fait en haut de la ville, le «spectacle» se poursuit et le phénomène des bébés mendiants s'amplifie. En attendant des mesures efficaces et un passage à l'action dans une grande ville qui s'apprête à devenir capitale de la culture arabe en 2015, les mendiantes avec des bébés sur les bras ont pris d'assaut l'avenue Abane-Ramdane.