Mission Le gouverneur d'Egypte, Hassan ben Nu'mân, avait été chargé par le calife de Damas de réduire la résistance au Maghreb. En l'an 703 après Jésus-Christ, La Berbérie retentissait du bruit des chevaux des conquérants arabes : de vastes contrées ont été converties à la nouvelle religion et il ne restait plus que quelques poches de résistance. L'une de ces poches est le massif des Aurès, depuis longtemps haut lieu de la résistance à l'envahisseur étranger, qu'il soit romain, byzantin ou arabe. Et la résistance, cette année- là, était menée par une femme : Dihiya, que les Arabes avaient surnommée La Kahina, la «prêtresse», parce qu?elle avait, selon les historiens, des dons de prémonition mais aussi, sans doute, parce que les cavaliers venus d'Orient, n'avaient pas l'habitude d'être confrontés, au combat, à une femme. Et une femme qui, de surcroît, leur a fait goûter à l'amertume de la défaite. Dihiya avait déjà participé, aux côtés de Kossayla, prince des Awraba, la grande tribu des Aurès, à la guerre contre les Arabes et c'est sa mort qui l'avait décidée à reprendre le flambeau. Elle va infliger de durs revers à l'ennemi, qui va se retirer un temps. Mais le calife de Damas, Abdelmalik, ne voulait pas renoncer au Maghreb : Ifriqya al-mufarriqa (l'Afrique divisée) selon la formule célèbre, devait être conquise et gagnée à l'islam ! Ibn Khaldoun rapporte, dans sa grande histoire des Berbères, que le calife, irrité par la résistance au Maghreb, charge, en 689, le gouverneur d'Egypte Hassan ben Nu'man de la réduire. Le chef de guerre se met en marche et, après avoir pris Carthage puis chassé les Byzantins, il prend la direction des Aurès. La route est longue et semée d'embûches, chaque rocher abritait un ennemi, mais on a informé Hassan que le plus dur l'attendait dans les Aurès. ? Les Berbères de cette contrée sont plus nombreux et plus forts que les autres que nous avons vaincus ? Sont-ils commandés par un roi puissant ? ? Leur chef est, en effet, puissant, et ils lui obéissent aveuglément ! ? Quel est le nom de cet homme ? ? Il ne s'agit pas d'un homme, commandant des croyants, mais d'une femme ! ? Une femme ! ? Oui, elle s'appelle La Kahina, c'est une prêtresse et une guerrière redoutable ! ? Je lui trancherai la tête de ma main, dit Hassan, et je l'enverrai au calife comme trophée de guerre ! Et une fois le Maghreb central conquis, nous prendrons le Maghrib, sa partie occidentale et, de là, nous traverserons la mer pour aller porter la parole de Dieu sur d'autres terres ! Mais La Kahina va contrecarrer, au moins provisoirement, ce projet ambitieux. Arrivé dans la région des Aurès, Hassan prend position sur les bords de la rivière Miskiana et attend La Kahina. La rencontre a lieu sur l'oued Nini, au nord de Khenchela : les troupes berbères, déferlant en aval, se précipitent sur les Arabes qui se trouvent en amont et les taillent en pièces. Les survivants se mettent alors à fuir de tous côtés, poursuivis par Dihiya, faisant des prisonniers, dont le neveu de Hassan. Celui-ci quitte, non seulement le Maghreb central, mais aussi l'Ifriqya ? la Tunisie actuelle ? se réfugiant, sur l'ordre du calife Abdelmalik, dans la province de Tripoli, conquise par les Arabes. C'était en 689... En cette année 703, le vent avait tourné, La Kahina s'apprêtait à livrer sa dernière bataille... (à suivre...)