Le problème, c'est el-muchkil ou, dans sa forme diminutive, plus courante, Imuchkila. Wallah ghir hadi muchkila, entend-on dire souvent (par Dieu, c'est un vrai problème). Muchkil et muchkila proviennent d'un verbe, chakala, qui signifie «entraver, garrotter, paralyser» : les problèmes, en effet, lient et empêchent d'agir? ll y a aussi l'idée d'embrouille, de fils mêlés qu'on n?arrive pas à démêler : tkhebbel-lî lghazl, dit-on (les fils de mon tissage se sont entremêlés). En berbère, on emploie le mot ugur : c'est au propre l'obstacle sur lequel on bute, un obstacle souvent invisible... On emploie encore dans les langues algériennes le français «problème» : hada problem (c'est un problème), tah'u a'lih li problem (les problèmes lui tombent dessus), etc. Il y a aussi la formule «pas d?problem» pour dire qu'il n'y a pas de problème ; on dit même sur un ton plaisant, en anglais : not problem ! pour dire «ce n'est pas un problème, tu peux compter sur moi». D'ailleurs, anglomanie oblige, cette formule a tendance à se répandre, notamment chez les jeunes. Mais revenons à muchkil : le mot est très employé, et comme le degré d'utilisation d'un mot est proportionnel à l'importance de ce qu'il désigne, on ne peut que conclure que les Algériens connaissent beaucoup de problèmes ou pensent avoir beaucoup de problèmes? Une histoire drôle, remontant aux années 1980, illustre cet état d'esprit. En Afrique noire, disait-on, la mouche la plus répandue est la mouche tsé-tsé, dont la piqûre provoque la maladie du sommeil. Et en Algérie ? C'est, répondait-on, la «mouche killa» ! Dans la mouche killa, on reconnaît muchkila ! Elle ne provoque, heureusement, pas de maladie grave, mais elle cause quand même... des problèmes ! Mais comme dit l'autre, a'âyina men Imachakil (on en a assez des problèmes), pensons à autre chose !