Voix ■ Celle qui chantait Ya rabi sidi, Loukan hbibi i weli, Ya youmi Goulili... n'est plus. Nora, épouse du musicien compositeur Kamel Hamadi, celui qui l'a accompagnée dans sa carrière artistique, depuis ses débuts dans les années 50, nous a quittés, hier, à l'âge de 72 ans suite à une longue maladie. Ele a rendu son dernier soupir dans un hôpital parisien. Selon sa volonté, Nora, dont la disparation est une grande perte pour la culture algérienne, sera enterrée au cimetière de Sidi Yahia (Alger). De l'artiste, Kamel Hamadi, l'auteur-compositeur, dit, selon l'APS, retenir «une voix mélodieuse, digne ambassadrice d'un pays qu'elle chérissait plus que tout», «elle a dignement honoré son pays, l'Algérie, qu'elle avait chevillée au cœur». De l'épouse, Hamadi affirme, toujours selon l'APS, garder l'image d'une femme «brave et respectueuse». Le monde artistique algérien, en deuil, salue l'immense contribution à la chanson algérienne de la chanteuse Nora. C'est ainsi que le comédien Saïd Hilmi, son partenaire au théâtre radiophonique d'expression kabyle, a exprimé, selon l'APS, sa profonde tristesse suite à la disparition de «cette grande artiste algérienne qui n'a pu se réaliser qu'après un laborieux parcours». De son côté, Youcef Ouznadji, chanteur de chaâbi, a souligné la place irremplaçable qui fut la sienne dans le domaine de la chanson algérienne contemporaine. De son vrai nom Fatma-Zohra Badji, Nora est née à Menacer (Cherchell). Toute jeune, elle avait le goût pour la solitude et pour la contemplation. Son seul compagnon était un poste radio, et c'est auprès de celui-ci qu'elle passait le plus clair de son temps. Elle écoutait avec passion la musique du pays et chantait les succès qu'il diffusait. C'est à ce moment-là que naquit sa vocation pour la musique, donc pour la chanson. En effet, le milieu artistique l'avait toujours attirée, et c'est à la radio qu'elle fit ses premiers pas : elle fit ses débuts dans l'émission enfantine de Réda Falaki en tant que comédienne puis, son talent se confirmant de jour en jour, elle participera à de grandes émissions dramatiques. Les qualités vocaliques de Nora attirèrent l'attention des auteurs et compositeurs qui étaient à l'affût des nouvelles voix. Ces derniers lui confièrent des chansons à interpréter. Le premier enregistrement se fit en 1957 à Paris, avec Baâd ma chfat ayni. Sans plus tarder, elle deviendra très vite une vedette de la chanson algérienne surtout après le succès de Ya youmi Goulili (1959). Elle se mit à apprendre tous les airs anciens des répertoires kabyles, oranais, auressiens, andalous et sahariens pour «élargir sa palette». Elle s'adonna durant des années à ce travail de recherche et de découverte, aidée par Kamal Hamadi, qu'elle épouse en 1958. Nora, reconnue comme la première chanteuse qui a bénéficié du statut de star par des thèmes proches à tous les Algériens en interprétant le thème de l'exil (ghorba) avec Gal el Menfi (le banni), le thème de l'amour avec Houa, houa (lui, lui) et en exploitant différents registres des folklores régionaux, est la première chanteuse maghrébine à obtenir un disque d'or au début des années 70. Noura, qui a mis au goût du jour la musique algérienne dans ce qu'elle a de plus authentique sur des paroles exposant les problèmes de sa génération, rassembla autour d'elle un public qui ne pouvait que la suivre dans cette rénovation de la musique algérienne, d'où le succès de ses galas et de ses disques. Plus tard et dès les années 1980, Nora, qui, grâce à la variété infinie de son répertoire, plaisait à des publics très divers et dans toutes les régions d'Algérie où elle se produisait, se retira de la scène artistique. Au mois de mars 2012, une soirée artistique a été organisée à Alger en l'honneur de l'artiste, dont la discographie comporte plus de 500 titres de chansons en langues arabe, kabyle et même française. Son œuvre est riche et singulière. Nora interprétait tous les styles : sahraoui, bedoui, oranais, hawzi, setifien, kabyle.