Aberration ■ Est-ce normal que les riches et les pauvres bénéficient de la même façon de l'aide de l'Etat à travers le dispositif de subvention des prix des produits alimentaires et énergétiques ? Dans un entretien accordé en 2011 à l'agence Algérie presse service (APS), Abdelhamid Temmar, alors ministre de la Prospective et des Statistiques, n'y est pas allé par trente-six chemins pour reconnaître que la politique de subvention des prix de certains produits adoptée par l'Etat depuis plusieurs années n'a pas eu l'effet souhaité sur les populations défavorisées. «Bien qu'exceptionnellement important, ce montant de près de 15-16 milliards de dollars de transferts sociaux par an, soit 10% du Produit intérieur brut (PIB), est d'un impact peu perceptible au niveau de la population», a-t-il affirmé en substance. Pour lui, «il n'est peut-être pas juste que tout le monde bénéficie de certaines subventions, quelle que soit leur situation financière». Cet avis est aussi celui de Mustapha Mekidèche, vice-président du Conseil national économique et social (Cnes). «Il faut revoir la politique des subventions pour qu'elles profitent aux groupes sociaux les plus vulnérables et stopper la contrebande aux frontières», a-t-il plaidé récemment dans une dé-claration au site d'information Tout sur l'Algérie (TSA). «On a beau mettre des douaniers aux frontières avec l'Ouest, le carburant va passer de l'autre côté. Le coût du carburant chez notre voisin de l'Ouest est neuf fois supérieur à celui en vigueur en Algérie. C'est pareil pour les autres produits subventionnés, comme le pain», a-t-il poursuivi. Pour sa part, Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), s'est prononcé pour la réorientation de ces subventions vers la production. «(...) Le gouvernement continue de subventionner les produits de première nécessité. Mais jusqu'à quand ? Le paradoxe est que ces soutiens profitent aux riches et aux pays limitrophes. Dans les pays développés, la subvention est injectée dans la production. C'est donc le producteur qu'on subventionne et non pas le produit fini», a-t-il déclaré à ce propos. Cela étant, la réflexion a été engagée sur la question au niveau du ministère des Finances. C'est du moins ce qu'a annoncé Sidi Mohamed Ferhane, directeur général de la Direction générale de la prévision et des politiques, lors de la présentation d'une communication portant sur «L'évaluation comme outil d'encadrement des politiques publiques» en avril 2013. «Il y a une réflexion sur le ciblage de la subvention des produits de base pour réaliser des gains», car actuellement «tout le monde, y compris les grosses fortunes, en profite», a-t-il dit. Selon lui, ce travail a pour principal objectif d'orienter ces aides «vers ceux qui les méritent vraiment». Quand la nouvelle politique de subventions verra-t-elle le jour ? Probablement en 2015 à la faveur de la mise en œuvre de la réforme budgétaire qui vise à maîtriser les dépenses de l'Etat et améliorer leur rendement.