Un fakir avait un élève qui passait ses journées à mendier pour son maître. Il n?avait pas un seul instant de répit. Son maître lui répétait souvent : ? Tu as de la chance, tu crois que tu fais beaucoup parce que le soir tu es fatigué. Mais, en fait, moi je fais bien plus que toi ! Toi, tu n?as qu?à obéir, tu n?as rien à décider, tu n?as pas de souci. Moi, au contraire, je pense pour toi, je décide pour toi. Obéir est facile, commander et décider sont bien plus pénibles. Dis-moi merci de t?éviter cette peine. Alors, l?élève disait merci. Et il continuait à mendier sans jamais recevoir une parole gentille ni même un vrai repas. ? Il ne faut pas trop manger, la sobriété est la mère de toutes les vertus. Un jour, la veille d?une grande fête, le fakir dit à son élève : ? Demain, tous les gens vont faire des gâteaux au miel et aux amandes. Selon la coutume, on va t?en donner beaucoup. Comme je suis très bon, je te donnerai la moitié de ce que tu me rapporteras. Le lendemain, l?élève partit mendier et partout, on lui donna un gâteau. A la fin de la matinée, il en avait 16. Il reprit le chemin de la maison de son maître. Il réfléchit : «Le maître a promis de me donner la moitié des gâteaux. Donc sur ces 16 gâteaux, 8 seront à moi. Je vais manger ma part tout de suite, pourquoi attendre ?» Et il avala 8 gâteaux. Un peu plus loin, il se dit : «Le maître a dit que j?aurai la moitié des gâteaux que je rapporterai. Je vais en rapporter 8, je peux donc en manger encore 4.» Il réfléchit encore en regardant les 4 gâteaux qui restaient : «La moitié de ce que je vais lui donner est pour moi. Il va donc me donner 2 gâteaux. Pourquoi attendre pour les manger ?» Il mangea encore 2 gâteaux. Puis il réfléchit encore, regarda les 2 gâteaux et en mangea un. Cette fois, il ne restait plus qu?un gâteau. Il le regarda et pensa : «La moitié de ce gâteau est pour moi. Mais ce ne serait pas poli de manger ma part tout de suite. Je vais attendre que mon maître fasse le partage, comme il l?a promis.» En voyant le gâteau, le fakir s?étonna : ? Comment, c?est tout ce que tu rapportes ! Les gens ont donc oublié la pitié ! ? Oh non, maître, j?ai reçu 16 gâteaux, dit l?élève, qui n?était pas menteur. ? 16 ? Et où sont les 15 autres ? ? Je les ai mangés. ? Comment ça ? cria le fakir furieux. ? Comme ça ! dit l?élève en avalant le dernier gâteau.