Ahmed est mort en laissant un terrible vide dans le c?ur de sa grande famille. «Je rêvais d?organiser une grande fête pour sa circoncision. Je me disais aussi que lorsqu?il irait à l?école, je l?inscrirais au bled, chez mes parents, car là-bas, il n?y a pas de voitures. Il n?aurait pas eu de routes à traverser», raconte sa mère Yamina avec nostalgie. Son enfant souffrait déjà d?une sorte d?«allergie». Des plaques noires ont couvert son frêle corps, y compris ses parties génitales, il y a deux semaines. «Nous n?avions pas assez d?argent, donc je ne pouvais le prendre chez un pédiatre privé. Nous l?avions emmené au dispensaire de Beni Messous. C?est une généraliste qui l?a ausculté.» Cette dernière lui a prescrit un traitement de dix jours. Une pommade et un gel nettoyant. Mais cela n?a eu aucun effet sur le gamin. Au bout d?une semaine, il décède. Vers midi, sa mère le réveille pour lui donner à manger. Elle l?a pris dans ses bras, mais le gosse avait les lèvres et le nez tachés de noir. «Je l?ai secoué, mais il ne bougeait plus. J?ai poussé un cri terrifiant. Son père a accouru et tenté de lui fermer les yeux, mais ce n?était pas possible. Il est mort dans mes bras.» Yamina raconte calmement le drame qui a fait basculer sa vie, le 31 juillet dernier. «La veille du drame, j?avais pleuré toute la nuit. Mon mari était étonné, moi aussi. Je ne savais pas pourquoi, mais une envie terrible de sangloter m?avait envahie et je ne pouvais me retenir. Le pressentiment maternel ne trahit jamais.» Un foulard décoloré sur la tête et une robe large et usée couvre son corps chétif. La jeune femme de 25 ans affiche un calme surprenant. «C?était écrit qu?il devait mourir ce jour-là et à cette heure-là. Nul ne peut rien contre la volonté divine. La mort fait partie de la vie, il faut l?accepter et reprendre goût à la vie», affirme-t-elle en s?asseyant sur le matelas. «Les femmes venaient en sanglotant me présenter leurs condoléances, c?était moi qui les consolais. Mon enfant est mort, il est au paradis, qu?il repose en paix. Il ne faut pas en rester là», dit-elle encore. Ses traits fermes et cette rudesse du caractère lui viennent certainement de la brutalité du relief de son douar, planté au c?ur d?une nature sauvage.