Amertume «Nous vivons dans ce trou depuis 1958. C?est à Chirac de nous reloger puisque c?est le gouvernement de Gaulle qui nous a recasés ici provisoirement», s?indigne Mohamed, 55 ans. Sa demeure est minuscule. Le salon, étroit, est bourré de fauteuils avec juste assez d?espace pour bouger. Dans l?autre chambre, celle des enfants, sa femme, Meriem, 39 ans, assise sur un matelas par terre, prépare le repas. Une table et une grande armoire occupent la pièce humide et étouffante. Il n?y a point d?air ni de soleil. Six personnes s?entassent ici, l?une à côté de l?autre, pour dormir. «Deux de mes enfants dorment chez leur oncle. Le cadet, âgé de 24 ans, dort avec ses copains. Il refuse de s?allonger ici, aux côtés de sa s?ur de 19 ans ! Ma fille doit soulever ses pieds et les poser sur la table pour trouver un peu d?espace. Elle ne peut s?allonger complètement», lance la mère sur un ton coléreux. Son visage buriné est couvert de sueur. Elle pousse sans cesse des soupirs. «Regardez la cuisine, le sol est tout le temps mouillé. Ce sont des toilettes collectives que mon mari a aménagées en petites toilettes, douche et cuisine. Avant, nous vivions dans une seule pièce. Les égouts dégagent des odeurs nauséabondes, des eaux usées aussi. Mais nous n?avons pas le choix.» Les quatre enfants du couple ont tous été atteints de maladies dues à l?insalubrité dans laquelle ils vivent. Le cadet a contracté la tuberculose, le benjamin, âgé d?à peine 4 ans, et la jeune fille ont contracté un microbe. Ils ont tous été hospitalisés. «Même le soleil nous est interdit, il n?y a pas de fenêtres. C?est horrible. En hiver aussi, les pièces sont inondées par les eaux de pluie», ajoute la fille. Dès que les enfants s?éloignent un peu, la mère chuchote : «Si quelqu?un doit se changer, il nous bloque. Nous ne pouvons plus circuler dans la maison, jusqu?à ce qu?il termine. C?est scandaleux ! Je m?allonge avec mon mari devant mes enfants. Nous n?avons plus d?intimité ! Nous sommes enterrés vivants !» «Je vivais avec mon père ici, alors qu?il n?avait que 45 ans. Aujourd?hui, il en a 90 et je suis encore là ! Quelle vie de chien !», s?insurge Mohamed. Sa femme Meriem est actuellement malade. Dépressive, elle ne supporte plus ces conditions, surtout depuis que certaines familles ont été relogées. «Je prends des médicaments prescrits pour les fous. Je ne supporte plus cette situation. J?ai craqué !»