Continuons le tour des pays avec lesquels l'Algérien a des rapports symboliques. L'Inde (L?hend) a dû, dans le passé, représenter l'exotisme, avec ses fastes et ses merveilles. Aujourd'hui, on n'évoque plus ce pays que pour parler de son cinéma, el-aflam al-hindiya (les films indiens), qui ont beaucoup d'admirateurs en Algérie. Signalons, cependant, que le langage des jeunes emploie le mot l?hend dans un sens inattendu : bizarre, étrange... C'est là sans doute un effet de l'exotisme : on pense ici aux magiciens de l'Inde, aux charmeurs de serpents... La France a longtemps symbolisé, dans la conscience des Algériens et de leurs langues, l'émigration, un ailleurs tantôt redouté tantôt désiré. Aujourd'hui, elle est concurrencée par d'autres pays comme l'Angleterre (Langliz), l'Italie (Talian), l'Espagne (Spania) et surtout le Canada (Kanada). Ce dernier nom s'étale d'ailleurs sur les murs, mythique Pérou où beaucoup de jeunes et de moins jeunes rêvent de se rendre, en dépit de l'éloignement et des hivers glacials. L'Amérique est, elle aussi, un rêve, mais un rêve inaccessible : Marikan, dit-on en se référant au continent, mais en pensant toujours aux Etats-Unis. Dans l'imaginaire algérien nourri de cinéma et, pour les plus âgés, de bandes dessinées, le Marikani (l'Américain) c?est le cow-boy, le héros sans peur et sans reproche, violent à souhait, mais redresseur de torts, protecteur de la veuve et de l'orphelin. Les enfants munis de pistolets en plastique se plaisaient, il n'y a pas si longtemps, à jouer aux cow-boys, Lmarikani, chassant l'Indien (Zandjiani), personnification du mal. Aujourd'hui, Lmarikani, c'est le capitaliste américain, le magnat de l'argent que l'on admire autant ou plus que le classique coupable. Les temps ont changé mais les mythes restent.