Ambiance Il y a des jours où les audiences se déroulent sereinement. Dans le box se trouve un détenu pour une émission de chèque sans provision. À la barre, Me Farid Nachef est décidé à obtenir la liberté provisoire de Saïd R., son client qui a des arguments juridiques à faire valoir pour étaler son innocence. Me Maârif, pour la partie civile, est tout à fait contre. Saïd Chaïb, président de l?audience pénale, écoute d?emblée la question préjudicielle relative à l?adresse de l?inculpé : «M. le président, nous vous demandons humblement et expressément de prononcer l?incompétence en annulant les procédures. Ainsi notre client retrouvera la liberté», a articulé, sous sa grosse moustache noire, le conseil qui a, en outre, estimé que, dans un État de droit, la liberté du citoyen est sacrée avant de prononcer une citation directe nulle et des procédures incomplètes. «Nous sommes pour l?application de loi, mais une rigoureuse et saine application», a conclu l?avocat de Saïd R. Ce dernier, arrêté depuis quelques jours, espère, au plus profond de lui-même, que son défenseur réussira à toucher le président. Mais l?opposition de Nourredine Chera, représentant du ministère public, lui ôte les couleurs de ses joues creuses. «Les procédures correctes ont été utilisées et les lois ont été appliquées judicieusement», dit le procureur qui a ainsi rejeté du revers de la main les demandes de Me Nachef. L?inculpé n?a pas fini de transpirer en ces grosses chaleurs, puisque le défenseur des intérêts de la victime met son grain de sel. Il débute son intervention par une demande simple, mais utile : «M. le président, il est plus que nécessaire de vérifier que cette fameuse adresse, que l?adversaire utilise à son avantage, se trouvait au niveau du dossier placé entre les mains de l?huissier. Mon client, victime d?émission de chèque sans provision, n?est pas initié aux trucs judiciaires. Quant aux coordonnées, si elles sont incomplètes, le représentant du parquet vous l?a clairement affirmé, elles sont inutiles puisque le demandeur ne se trouve pas à l?étranger», a fortement rétorqué l?avocat qui n?a pas raté l?occasion d?évoquer la mauvaise foi du prévenu. «Et cela dure depuis longtemps», siffle Me Maârif qui réclame le rejet pur et simple des demandes de la partie adverse. Piqué au vif, Me Nachef, reprend la parole avec l?aimable autorisation de la? loi et du président pour déclarer que ces demandes ont été effectuées juste pour protéger les procédures pénales, garantir la sérénité des débats autour de ce chèque que «mon client affirme avoir signé, mais non rempli». Tout un programme que le juge entourera d?un juste et judicieux paravent : la mise sous huitaine en examen du dossier, avant de prononcer l?annulation des procédures. Voilà un cas de débat serein où s?est jouée la liberté d?un citoyen qui est rentré chez lui, le soir, heureux comme un écolier ayant obtenu un 10/10.