Interrogation Fallait-il attendre qu?il y ait mort d?homme pour se rendre compte enfin que, tous les jours, des personnes risquent leur vie en prenant le train ? Combien de fois a-t-on vu ou entendu parler de personnes mortes, blessées ou défigurées à cause d?un jet de pierres ? Si le phénomène n?est guère nouveau, il n?en demeure pas moins que les personnes concernées ont fait montre d?une passivité «assassine». Il a fallu donc attendre que des conducteurs de train furieux et indignés par la mort de leur collègue Azzedine Hadj Kouider, 26 ans, à la suite d?un jet de pierre mortel, passent à l?action pour mesurer la gravité de la situation. Ainsi, la journée d?hier, placée sous le signe du deuil, a été marquée par la suspension de toute circulation des trains de banlieue, régionale et de grandes lignes du pays. Une solidarité dont les usagers des trains n?ont pas pu faire montre malheureusement bien qu?ils ne soient nullement épargnés puisqu?ils reçoivent régulièrement une pluie de projectiles à travers les vitres. Que dire aussi de cette passivité des autorités qui n?a fait qu?encourager ce phénomène ? En toute impunité donc, des énergumènes, au lexique riche en obscénités, se déplacent de gare en gare et de train en train sans qu?ils se sentent menacés. Afin de parer à l?ennui, ils s?inventent des jeux et des défis mettant parfois en péril leur vie et celle des usagers qu?ils soient grands ou petits. Jeter des projectiles contre un train en marche devient un passe-temps. Celui qui touche une taule est bon, une vitre, excellent, un passager, un champion qu?on regarde presque avec respect. Ainsi, à partir de la gare d?Hussein Dey, l?heure n?est plus à la contemplation du paysage. Il faut remonter les vitres, se mettre à l?abri, contre une partie en fer du train ou derrière un autre passager. El-Harrach, Oued S?mar, Rouiba, Semar, Dar Beïda, El-Affroun, des villes, mais aussi des champs de bataille où l?on risque de sortir invalide au mieux, mort au pire. Si le nombre de décès chez les employés de la Sntf est désormais connu grâce à la mobilisation instantanée des cheminots, chez les usagers, le chiffre reste méconnu. Les blessés, pour leur part, se comptent en milliers à travers le territoire national, puisque rien qu?à El-Harrach, d?après son chef de gare, annuellement «ils sont des centaines à avoir gardé un souvenir de leur passage par cette région». Un ?il au beurre noir, un bras cassé, des bleus sur le corps, mais aussi des visages défigurés à vie, un ?il crevé et la mort qui guette au sortir de chaque gare. Le malheur vient de s?abattre ce 4 septembre, en emportant un homme à la fleur de l?âge : 26 ans. On s?incline sur sa mémoire de martyr du devoir, sans oublier que n?était la Providence, on s?inclinerait tous les jours dix à vingt fois à la mémoire de personnes anonymes qui prennent le train pour aller à l?université, au boulot ou pour rejoindre un parent. Il est donc temps de mettre un terme à une passivité qui ne profite qu?aux criminels. Basta !