Célébrité Abû 'Abd Allah ech-Choudhi est l'un des saints les plus populaires de la ville de TIemcen. Au nord-est de la ville de TIemcen, en contrebas de la voie ferrée, se trouve, sous un caroubier, un tombeau avec une petite mosquée : c'est Sidi El-Haloui ou, comme on dit parfois, Choudhi Al-Halwi, Choudhi le marchand de bonbons. La mosquée avait été construite en l'honneur du saint par le prince mérénide Abou Inane Farès et domine le village qui porte également le nom de sidi Al-Halwi. C'est une belle mosquée, avec un portail surmonté d'une arcade ogivale et d'un auvent de tuiles vertes porté par treize consoles d'onyx couvertes d'arabesques. Par une cour carrée, on accède à la salle de prières divisée en cinq nefs ; le mihrab, situé dans l'axe de l'entrée, est encadré par deux colonnes de marbre avec des chapiteaux portant l'inscription qui proclame que la mosquée est dédiée à Sidi El-Halwi, le serviteur de Dieu... La tombe du saint, elle, n'a pas le faste de la mosquée ; elle est plutôt modeste, avec pour tout décor quatre murs chaulés, mais pour le saint qui y est enterré, ce décor est encore trop. La modestie, enseignait-il de son vivant, doit être de mise, y compris dans la mort ! Ce sont les actes de l?homme qui comptent dans l'au-delà, pas les monuments que ses contemporains élèvent à sa mémoire... On se rappelle que les architectes, après avoir achevé la grande mosquée de Tlemcen, proposent au roi Yaghmorasan d'inscrire son nom sur une colonne : le grand roi a refusé, se contentant de dire, dans son dialecte berbère : Yessen Rebbi (Dieu sait), c'est-à-dire son action en faveur de la religion, on n'a pas besoin de le proclamer ! S'il est l'un des saints vénérés de Tlemcen, abû 'Abd Allah ech-Choudhi n'en était pas originaire. Tout comme Sidi Boumediène, le patron de Tlemcen, il venait de Séville, de l'Espagne musulmane, où il est né à la fin du XIIe siècle de l'ère chrétienne. C'était un homme très instruit puisqu'il était cadi, il jouissait également de la considération de ses concitoyens et des autorités du pays. Il était également riche et aurait pu vivre toute sa vie dans le luxe et l'insouciance. Mais voilà qu'il prend brusquement conscience que le métier qu'il exerce est difficile et qu'il l'expose, s'il commet des erreurs ou, pire, se rend coupable d'une injustice, au feu de l'Enfer. Le feu de l'Enfer : Choudhi, qui était un homme très pieux, en avait une grande peur. Un événement, que les chroniqueurs ne citent pas, a dû le bouleverser et le pousser à quitter précipitamment ses fonctions. «Je ne veux plus être cadi ! Je ne veux plus juger les hommes !» Ses parents et ses amis le supplient de revenir sur sa décision mais il refuse et répète inlassablement : «Je ne veux plus être cadi !» Quand on l'interroge sur ce qu'il veut faire, il dit, le visage rayonnant d'une joie qu'il parvient à peine à dissimuler : «Je veux ?uvrer dans la voie de Dieu !» Et la voie de Dieu, c'est la prière, le jeûne, la méditation? Il mange très peu et, enfermé dans sa chambre, i] s'abîme dans le dhikr, l'invocation continue de Dieu, et passe la nuit en prière... Mais cela ne lui suffit pas : il décide alors, pour se libérer de toute contingence, de partir. Il va quitter sa famille, ses amis, sa maison, ses livres qu'il aimait tant, son pays même. Un matin, il s'en va comme un voleur et embarque pour le Maghreb. Le Maghreb, terre d'islam mais pays inconnu pour lui, qui va lui permettre de se réaliser et de devenir un grand saint, aujourd'hui encore vénéré par le peuple... (à suivre...)