L'infirmière ouvre la porte de la salle d'attente. — Monsieur Honoré Duval, s'il vous plaît. Un homme entre trente et quarante ans se lève. II est du genre athlétique, très bronzé, presque buriné. L'instant d'après, il est dans le cabinet du médecin. Celui-ci lui parle avec cordialité. — Rassurez-vous, monsieur Duval, il ne s'agit que d'une simple formalité. Mais étant donné le montant de votre assurance-vie, l'examen est obligatoire. Si vous voulez bien vous déshabiller. Honoré Duval s'exécute. Décidément, c'est un bel homme, il respire la santé. II comprend très bien la nécessité de cet examen: quatre millions de capital versés en cas de décès, c'est évidemment beaucoup. En cette année 1947, c'est même une somme considérable et il est normal que la compagnie prenne des garanties. Après un rapide examen, le docteur lui fait part de ses conclusions. — Vous êtes en pleine forme, le cœur, le foie, les poumons, tout est excellent. Je vais adresser un avis favorable à la compagnie. Le médecin bavarde quelques instants avant de raccompagner son client : — Dites-moi, monsieur Duval, pour être bronzé comme ça, vous avez dû pas mal voyager ? — C'est vrai, je viens des colonies. Mais je me marie la semaine prochaine et, cette fois, je compte rester en France.. Et, une semaine plus tard, effectivement, Honoré Duval se marie. Il a rencontré Bernadette un an auparavant, en rentrant d'Afrique-Equatoriale. Entre lui, l'ancien colonial, qui avait fait un peu tous les métiers, et cette jeune Parisienne de bonne famille, l'attirance a été immédiate. Le mariage est très réussi. Leurs familles et tous leurs amis sont là. Pour ce qui est de l'avenir, Honoré et Bernadette ne savent pas très bien ce qu'ils feront, mais ils ne veulent penser qu'à l'immédiat : ils vont passer leur lune de miel sur la Côte d'Azur. On est fin juillet, ils y resteront tout le mois d'août. Et il y a une chose dont ils sont sûrs, c'est d'avoir beau temps. Car l'été s'annonce particulièrement chaud en cette année 1947. 14 août 1947. La compagnie d'assurances qui avait assuré sur la vie Honoré Duval reçoit un coup de téléphone. C'est Bernadette Duval qui appelle de Nice. Elle demande le directeur. Elle parle avec peine, tant son émotion est grande. — C'est affreux... Mon mari est mort avant-hier...Une insolation... Je vais vous faire parvenir le certificat de décès. Il y a un silence. Mme Duval reprend : — A votre avis, dans combien de temps sera effectué le paiement ? Après avoir présenté ses condoléances à la veuve, le directeur répond, sans trop s'engager, que la somme sera versée dès que possible. Mais après avoir raccroché, il reste perplexe. Il se fait communiquer le dossier médical d'Honoré Duval et il est de plus en plus intrigué. Ce décès d'un homme apparemment en pleine forme, quinze jours après la signature du contrat, lui semble suspect. S'il s'était agi d'un accident, ce serait différent. Mais une insolation peut cacher quelque chose. On est peut-être en face d'un suicide, ou même — pourquoi pas ?— d'un meurtre... Le directeur décide de faire appel au détective de la compagnie. Louis Bertin, le détective, est presque encore un jeune homme. Il a tout juste vingt-trois ans. C'est la première affaire importante dont il s'occupe. Aussi est-il décidé à faire son enquête avec le plus de sérieux possible. A Suivre