C'est par çabr qu'il faut traduire le mot patience. Mais ce mot, comme mektub, a souvent été interprété dans le sens d'une soumission à la fatalité, voire d?un abandon à la destinée. L'idée de soumission se retrouve réellement dans le s'abr. Ainsi, par exemple la formule «Rana çabrin li iradat Allah» (nous sommes soumis à la volonté de Dieu) exprime la soumission à la volonté divine qui impose les épreuves. Et quand on présente ses condoléances, on ajoute toujours : «Allah ya?til-kum s'bar» (que Dieu vous aide à vous soumettre à Sa volonté). Ce type de comportement est, bien entendu, magnifié par la religion, car, ainsi que le dit un proverbe, «Eçebr h'abib AIlah» (la soumission ? à la volonté divine ? est l'amie de Dieu) et «çabr bab el-djenna» (la soumission est la porte ? donnant accès ? au Paradis). Mais le mot a aussi (et surtout) le sens de patience : c'est cette qualité qui fait que l'on ne baisse pas les bras dans l'adversité, qu'on ne se laisse pas aller quand on est frappé par le malheur ou qu'on a subi la perte d?un être cher ou d?un bien. Le çabr, c'est donc cette tendance à résister au malheur, c'est l'endurance, bref, le contraire de la soumission et du pessimisme. Au patient sont promis le succès et le bonheur. «Elli yeçber inâl», dit le proverbe (qui fait preuve de patience, vainc l'adversité) ou encore «çabr miftah' al-nadjah» (la patience est la clé du succès). Bien entendu, il faut être fort pour résister au malheur mais, hélas, cette qualité n'est pas donnée à tout le monde. En kabyle, où pourtant on recommande la patience, on s'excIame parfois : «Lh'ila n çbar teççur» (le récipient de la patience est plein), autrement dit, il va déborder, c'est-à-dire soit en se laissant aIler au désespoir, soit en perdant patience ! Il est vrai que lorsque les malheurs se succèdent et qu'on ne voit pas le bout du tunnel, il est difficile de tenir le coup...