Séparation Cernée par l?ensemble commercial d?El-Hattab d?un côté et le quartier de Oued Dheb de l?autre, la cité Auzas est une zone défavorisée. Un ghetto à l?abandon qui ne semble pas susciter la moindre marque d?intérêt de la part des autorités locales et des élus. Pauvre, le quartier l?a toujours été. Du temps des Français qui l?ont «fabriqué» dans les années trente pour y cantonner les indigènes et ce, jusqu?à nos jours. Les anciennes familles, surtout celles qui ont pu bâtir des habitations décentes à hauteur du boulevard Saïd-Bouali, ont ouvert des commerces ou des activités lucratives, ce qui les place dans une aisance relative par rapport au reste de la population des lieux sans pourtant s?en désolidariser. En effet, on vit ici en parfaite (enfin presque) communion entre gens du même quartier. Les femmes, les enfants et les vieux se connaissent depuis toujours et partagent les mêmes peines, les mêmes bonheurs. Des comportements qui ne sont aucunement observés avec l?inconnu de passage, que l?on repère à première vue. Ce dernier est scruté, toisé et c?est à peine si on ne lui demande pas la raison de sa venue dans les parages. La déglingue haineuse de l?étranger se manifeste de manière plus brutale le soir venu. On raconte que des personnes, non prévenues du danger qu?elles encouraient en traversant les rues étroites de «Lassiti» à une heure tardive de la nuit, ont cher payé leur passage. Certaines auraient été tabassées, d?autres auraient même été dépouillées de leurs effets, vêtements et objets de valeur. Cette réputation de quartier coupe-gorge serait surfaite, selon des habitants qui affirment, quant à eux, que la cité Auzas n?est ni pire ni meilleure que la plupart des vieux quartiers de la ville. «Ici, nous avons appris à nous faire à une manière de vivre qui n?est pas forcément celle qui est propre aux habitants des autres cités», tente de justifier ce quinquagénaire que nous accostons. «Vous parlez de délinquance, je parlerais plutôt de chômage, par ici plus de la moitié de la population est au chômage et survit d?expédients», continue notre interlocuteur. D?accord, mais cela n?explique pas que tous ces jeunes de 17-20 ans, qui hantent dès la nuit tombée la station centrale de taxis, qui n?est qu?à une centaine de mètres de là, se transforment en brigands des grands chemins. Avec un autre habitant, moins âgé, nous abordons le sujet de la prostitution pratiquée de manière organisée, semble-t-il. «Dans le quartier les gens se respectent trop pour se mêler de l?intimité des uns des autres. Chacun a ses qualités et ses défauts. S?il y a quelques ?ouliyate?? (entendre femmes démunies) qui pratiquent ce métier, nous ne nous en préoccupons pas outre mesure, ce n?est le problème de personne. Quant aux maisons de rendez-vous dont a parlé la presse, je peux vous affirmer qu?il n?y en a aucune», explique le jeune homme. Pour lui comme pour ses compagnons de table au café Essaâda du nom de la mosquée située en plein c?ur de la cité, la plupart des jeunes font la prière et ne se permettraient pas de faire des choses que la religion interdit. Pourtant la morale islamique ne régit pas la vie de toute la communauté. On serait même tenté de croire qu?elle n?a aucune emprise sur les groupes d?adolescents qui s?adonnent à la consommation et à la revente de drogues, kif, zetla et autres «hrabeches». Une cohabitation contre nature caractérise cette partie de la ville de Annaba sans en faire l?enfer qu?on pourrait imaginer.