Rencontre n C'est avec un grand sourire sympathique qu'il nous a accueillis chez lui ; il était alité dans sa petite chambre au 5e étage. L'acteur et dramaturge, Arezki Rabah, dit Abou Djamel, se dit fier d'avoir tant donné à la comédie, au cinéma et à la poésie, même s'il jouait souvent des petits rôles. Et par dessus tout d'avoir gravé dans la mémoire du public des moments de joie et de rires en famille. «C'est la regrettée Abassa Ouda, connue sous le nom de «Latifa», qui m'avait donné ce surnom», se rappelle-t-il. «Yemaaaaa !! bghit netkaya» et «yema kbira maa Omar Charif». C'est avec cet historique passage avec la regrettée Ouardia dans «Taxi el mekhfi» qu'il nous a accueillis. «Eh bien ce passage, je l'ai improvisé lors du tournage ce jour-là en 1970. Et également «Hassan Taxi» nous a-t-il révélé en riant. Reconnaissant, Abou Djamel n'a pas omis de remercier les médecins algériens qui le prennent en charge depuis des années, notamment ceux de l'hôpital de Ben Aknoun, comme le Dr Aït Aloua et le staff paramédical, ainsi que le staff médical du CNMS de Chevalley. «Je loue aussi les efforts de M. Yahiaoui, qui m'a honoré au mois de mars au nom du TNA. J'ai suivi à la télé car je n'ai pu me déplacer. J'ai beaucoup pleuré en regardant». L'artiste tient à remercier aussi sa femme et son fils Redouane. «Il travaille comme contractuel à l'hôpital de Zéralda depuis 11 ans. Mais il ne ménage aucun effort pour me venir en aide malgré sa modeste paie. J'aurais aimé l'aider», nous a-t-il lancé. «Je suis supposé être un artiste connu et réputé. Mais parfois j'ai honte devant ma famille» et de poursuivre «Abou Djamel est dans un coin. Dieu est avec lui. Il était cher comme Deglet Nour. Mais quand elle est tombée. Elle n'est plus demandée», reprendra-t-il pour décrire sa situation actuelle en poème improvisé. Arezki Rabah nous raconte son parcours tout en improvisant, sur place et à notre intention, des poèmes qu'il terminait avec «klami hlou bnin dial Abou Djamel». Il nous parle de son vécu avec son diabète et ses complications ayant mené à l'amputation de son pied gauche «à ce jour malgré le mal, je me réveille tard le soir pour me retrouver en train de dire des poèmes…», nous dit-il nous montrant ses cartes professionnelles. «Je ne sais pas quoi faire avec. Je touche 17 090 DA par mois. Ce sont mes amis qui m'aident et me soutiennent», a-t-il ajouté nous montrant du doigt ses attestations posées ça et là dans sa chambre à travers lesquelles il a été honoré par des institutions et associations caritatives. Ce père de 7 enfants dont 2 ayants des problèmes de déficience mentale ne cesse de répéter, la voix entrecoupée par les sanglots : «Khoud maâtak Allah. Je dis El-hamdoullah pour tout». «Le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi m'avait promis de venir me voir. Je l'attends toujours. N'oubliez pas monsieur le ministre, vous me l'avez promis», a-t-il conclu. Souad Labri La légendaire réplique : «Didi Saïd atini doro» Abou Djamel est né le 24 mars 1938 à la Casbah d'Alger. En 1945, il intègre l'école Fatah avant de rejoindre les Scouts musulmans en 1946. En 1948, il intègre les studios de la radio. «C'est Ammi Hassan El-Hassani qui m'a donné le rôle «El alloune» ou «didi Saïd atini doro» avant de jouer au Théâtre national algérien en 1951 avec la regrettée Keltoum. Il a joué le rôle du «gâté» avec Rouiched dans le rôle de son père et l'acteur Mohamed Bouzid dans le rôle de sa maman. «Je lui rends un vibrant hommage de son vivant». Abou Djamel a côtoyé de grandes figures emblématiques du cinéma algérien. On cite Fadhila Dziria, Nouria, Farida Saboundji, Ammi Djellou, Mohamed Redha, Habib Redha, Youcef et Abdelmadjid Hattab, Aouichate. «Pour intégrer l'art il faut se démarquer avec une chose comme on le dit chez nous : samat yeghleb el-kbih». Latifa m'avait promis de m'aider et Rouiched m'a donné en 1951 une chanson tango : «Marseila est là», nous a-t-il fait savoir en fredonnant des passages de la chanson. Rouiched lui a confié d'autres sketchs qu'il a joués avec lui et Keltoum et d'autres artistes. «J'ai repris l'activité au théâtre de la ville où les Algériens selon lui n'y avaient droit qu'une fois par semaine, le lundi. Le comédien s'est lancé dans l'écriture de textes d'actualité depuis 1996 d'abord en langue arabe puis en dialecte. «Mes textes dépassent les 400 depuis 1996 en plus des ‘riwaya'». «J'en ai pris à l'Onda que je respecte et remercie beaucoup car on m'a honoré». Et d'ajouter : «Touri était fier de moi surtout quand je chantais ‘salouli, salouli, El Mel Ghedar'». Il a joué en 1995 le rôle du concierge «khalti Aïcha Khobz yabess». S. L. «On a annoncé ma mort !» l L'artiste se dit désolé d'avoir vu ses proches et ses amis choqués suite à la fausse annonce de son décès «On a parlé de ma mort. Beaucoup de gens sont venus chez moi très tard dans la soirée. Même de l'étranger. J'ai eu peur pour Nawel Zaâter. Elle était très choquée. Hamidou, Hakim Salhi et Mohamed Adjaimi sont venus rapidement chez moi sans parler de plus de 400 personnes venues après avoir entendu la fausse nouvelle» nous racontera-t-il en pleurs. «Pourquoi ? est-ce que je mérite cela ?» lancera-t-il encore. L'artiste ne bouge plus de son lit depuis des années. «Je souffre atrocement le soir de douleurs au pied notamment depuis ma dernière opération pour le changement de la plaquette. J'ai également eu un problème cardiaque pour lequel on m'a placé un pacemaker que j'ai reçu des USA de la part de bienfaiteurs. Le Dr Aït Abderahmane et bien d'autres m'ont aidé aussi», nous a-t-il confié. S. L. Il a joué avec Jean Gabin l Plusieurs metteurs en scène l'ont sollicité. «J'ai joué des rôles avec des acteurs étrangers dont Jean Gabin en 1952 dans «Graines d'orties et Robe du jour». L'artiste intégra par la suite la télévision. S. L. Abou Djamel, le moudjahid l Aboud Djamel nous a confié qu'il a été emprisonné à Serkadji à l'âge de 23 ans lors de la guerre de Libération nationale. «Je n'ai jamais accepté de me déclarer comme moudjahid». «Je l'ai fait pour Dieu et mon pays. Et je ne demande aucune rétribution ici bas», nous a-t-il affirmé, nous montrant les séquelles sur son corps des sévices des Français.