Scène - «Bahidja» est l'intitulé de la pièce dont la générale a été donnée, hier, sur les planches du Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi. Cette pièce, une mise en scène de Ziani Chérif Ayad sur une adaptation de Arezki Mellal du roman «Sans voile et sans remords» de Leïla Aslaoui, est un drame social. L'histoire raconte le périple d'une jeune femme, qui débarque dans une ville meurtrie par la violence intégriste, pour découvrir la vérité sur le triste sort de sa sœur, une moudjahida subitement disparue. D'une scène à l'autre, elle sera confrontée à des dangers multiples, souvent du fait de proches parents, qui se servent de la religion pour assouvir des intérêts étroits et personnels. Elle cherche aussi son fils perdu. L'absence de ce fils ponctue d‘ailleurs la trame de l'histoire, qui se termine tragiquement par un attentat terroriste. En somme, la pièce, tirée de faits réels, lève le voile sur la condition de la femme face à l'intolérance et au fondamentalisme religieux des années 1990. Ainsi, les événements se déroulent principalement durant les années 1990 avec des flash-back vers la période de la guerre de Libération. On y trouve toute la sémantique de Leïla Aslaoui : une dualité assez marquée entre la femme en tant que victime et l'homme en tant qu'oppresseur. Jouée avec justesse et de façon éloquente en arabe algérien, la pièce, caractérisée par un jeu aussi bien dense que pertinent, fera parler d'elle tant par la qualité du travail fait que par le talent des comédiens qui l'ont interprétée. Nesrine Belhadj, Mourad Oudjit et Abbes Mohamed Islem, respectivement dans les rôles de la mère qui entretient le mystère, le mari intolérant et le frère méprisant, devenu affairiste véreux, ont savamment porté le texte, soutenu par une riche rhétorique, et ce, dans une scénographie dominée par un éclairage sombre, ce qui a bien servi le jeu. Celui-ci était, d'une séquence à l'autre, marqué par un bruitage métaphorique. A ce propos, Ziani Cherif Ayad, le metteur en scène, avait déclaré que la pièce ne contient, en majorité, que des sons. «Nous avons intégré des tous petits morceaux de musique, mais pour la majeure partie du spectacle, nous n'avons fait que des sons», avait-il dit, ajoutant que cette adaptation, qui a basculé l'écriture proprement romanesque, avec ses règles et ses codes, vers la dramaturgie et l'écriture théâtrale, est avant tout un «travail de complicité entre un metteur en scène et un auteur». S'exprimant sur le roman, il avait déclaré : «Le sujet abordé par Leïla Aslaoui m'a beaucoup intéressé. Le terrorisme a lourdement marqué notre société». Et d'ajouter : «Le roman et le cinéma en ont parlé sous toutes les formes, la peinture aussi, rarement le théâtre. A part quelques expériences, il n'y a pas beaucoup de pièces qui abordent le sujet. Quand j'ai lu le livre, qui est tiré d'un vécu, j'ai tout de suite eu de l'intérêt pour lui. » Par cette adaptation, Ziani Chérif Ayad, à la tête de «Gosto théâtre», tente d'initier les prémices d'un nouveau théâtre aux allures contemporaines et post-modernes, en phase avec l'exercice actuel du 4e art dans le monde. Leila Aslaoui, présente au TNA, remerciant le metteur en scène et les comédiens d'avoir «si brillamment donné vie à (son) texte» a fait part de «sa grande satisfaction» et «son bonheur» d'assister à «la réussite» du spectacle «Bahidja» qui constitue, selon elle, «un travail de mémoire important pour la postérité». Coproduit par le TNA et «Gosto Théâtre», sous l'égide du ministère de la Culture, la pièce «Bahidja» est reconduite, au même lieu, pour trois autres représentations.