Dans la matinée d'hier, au Théâtre national algérien (TNA), le metteur en scène et dramaturge Ziani Chérif Ayad présentait à la presse la lecture de la pièce Bahidja, adaptée du roman Sans voile, sans remords de l'auteure Leïla Aslaoui, sorti en 2012 (Ed. Dalimen), et qui traitait du chaos dans lequel vivra le personnage de Bahidja durant la décennie noire. Adaptée et traduite par Arezki Mellal et Noureddine Saoudi, sous la scénographie d'Arezki Larbi et une chorégraphie d'El-Hadi Chérifa, la pièce a été portée, à travers trois tableaux, "les plus forts" selon Ayad, par la comédienne Nidhal, Nesrine Belhadj, Mourad Oudjit et Abess Mohammed Islem, qui se donneront la réplique pendant plus de 40 minutes. Le premier tableau met en scène la protagoniste Bahidja, assise sur une chaise, où elle délivre dans un monologue en arabe dialectal très expressif les atrocités et les drames de sa vie qui l'anéantiront jusqu'à la rendre cette femme-fantôme, vidée de tout espoir, ce corps et cette âme qui portent les traces des actions les plus abjectes commises par l'homme. Elle dira se sentir "sale" à cause de ce vécu qui lui fera honte et qu'elle tentera de cacher. Sale aussi à cause de ces hommes, notamment son frère qui croit dur comme fer que la femme est cause de tous les malheurs de sa famille, et que c'est à cause de cette dernière que l'honneur des siens a été entaché. Dans le sombre dessein d'accaparer tous les biens, il se fixera comme but ultime d'évincer ses sœurs Bahidja et Nouria de l'héritage familial, trouvant pour prétexte le mariage de la seconde avec un Français. Par ailleurs, une dichotomie assez intéressante est mise en avant par Ayad, qui orchestrera, dans un décor simpliste dans le deuxième tableau, le parallèle entre une Bahidja jeune, sans voile, rayonnante et pleine de vie, et la Bahidja post-décennie rouge, atrabilaire, trimbalant son long jilbab noir (voile islamique), qui nous narre, en avant-plan, la tournure de cette vie qui s'annonçait heureuse avec un mari aimant et calme, jusqu'au jour où il apprendra le mariage de sa fille à un Français, où il commencera à la battre en imputant la décision de sa fille au "dévergondage de sa tante", elle aussi mariée à un Français lors de la guerre de libération. Ainsi, et à travers ces quelques prémices que nous ont offerts les auteurs de la pièce, le destin d'une femme durant l'une des périodes les plus tragiques de notre pays nous est raconté, avec des acteurs que l'on sent imprégnés de cette histoire réelle, notamment Nidal et Nesrine Belhadj, avec une force et une expressivité poignantes. Par ailleurs, Ayad nous dira en marge de la pièce qu'en "lisant cette histoire, j'ai voulu parler des années 90, car c'est aussi le rôle du théâtre, parler de nos tragédies. Mais ce n'est pas dans le but de remuer le couteau dans la plaie, mais celui de mettre des mots sur ce drame afin qu'il ne se reproduise plus". À noter que la générale, d'une durée de 90 minutes, aura lieu le 21 mai prochain au TNA, et sera suivie deux autres représentations les 22 et 23 du même mois. Yasmine Azzouz