Coopérations n Une attaque à la grenade contre des soldats français à Ouagadougou a marqué l'arrivée du président français Emmanuel Macron au Burkina Faso pour sa première tournée en Afrique devant initier une «nouvelle étape» de la relation entre Paris et ce continent. Lors de cette visite de trois jours qui doit le mener également en Côte d'Ivoire et au Ghana, Emmanuel Macron entend convaincre une jeunesse africaine de plus en plus hostile à la présence française sur le continent, sur fond de menace terroriste persistante au Sahel, que les troupes françaises installées dans la région ont du mal à combattre, et d'un flux migratoire croissant que l'Europe veut endiguer. Lundi soir, deux heures avant son arrivée, des individus encagoulés à moto ont lancé une grenade contre le véhicule français dans le nord d'Ouagadougou. Ils n'ont pas atteint leur cible mais ont blessé trois riverains dont un grièvement. Encore non revendiquée, l'attaque s'est produite loin de l'aéroport et alors qu'un important dispositif sécuritaire avait été déployé dans le centre de la capitale. Le véhicule qui se dirigeait vers Kamboinsé (caserne des forces spéciales françaises stationnées dans le pays) a été attaqué vers 20H00 (heure locale et GMT), selon une source sécuritaire sous couvert d'anonymat, le président est arrivé vers 22h30. La France, ancienne puissance coloniale, entretient une coopération militaire ininterrompue avec les autorités du Burkina depuis l'accession à l'indépendance du territoire de l'ex-Haute Volta en 1960. Depuis 2010, lorsque la menace djihadiste s'est précisée dans la bande sahélo-saharienne, des éléments des forces spéciales françaises, basés à Ouagadougou, apportent leur soutien aux forces de défense. Celles-ci sont notamment intervenues lors de l'attentat de janvier 2016 (30 morts) lorsque des djihadistes avaient ouvert le feu sur des terrasses du centre-ville. La capitale a subi en août un attentat similaire qui a fait 19 morts, alors que le pays fait face au nord à sa frontière avec le Mali à des attaques récurrentes. La grenade lancée va tendre la visite du président français. Il est probable que les forces de l'ordre renforcent les mesures de sécurité alors que M. Macron est censé passer mardi un «grand oral africain» devant 800 étudiants de l'université d'Ouagadougou. Ce discours, suivi de questions-réponses avec les étudiants, devait être le point fort de cette tournée. Emmanuel Macron doit convaincre une jeunesse très méfiante vis-à-vis de la France. L'annonce de sa visite a déclenché une salve de critiques. Sur la plateforme participative Présimètre, les jeunes - du moins ceux qui ont accès à internet - ont posté de nombreuses questions. Les jeunes burkinabè réclament aussi la fin de tout ce qui illustre pour eux le passé colonial : le «pillage des ressources» par des entreprises françaises, le franc CFA arrimé à l'euro et... La présence militaire française. De nombreux burkinabè refusent cette présence et estiment que les attaques djihadistes en sont une conséquence et non une cause. Le président français pourrait être interpellé sur sa phrase prononcée au G20, où il avait estimé qu'il était impossible de développer l'Afrique à cause de ses «7 ou 8 enfants par femme», critique sociétale très mal perçue. Il y a dix ans, à Dakar, Nicolas Sarkozy avait affirmé que «l'homme africain n'était pas entré dans l'histoire», une gaffe qui l'a durablement desservi.