Aveu «Nous passons nos soirées sur des trottoirs et dès que l?Aïd approche, nous allons dans les centres de prise en charge pour célébrer ces fêtes, nous ne pouvons pas les passer seules.» «Nos soirées ? C?est ici, sur ces trottoirs sales et humides qu?elles s?écoulent. Juste après le f?tour, on se rassemble ici, on discute et on parle de tout et de rien. Vers 22h 30, on se lève pour aller se coucher en face de la Dgsn pour éviter les agressions?», raconte Bakhta. Ses cheveux teints en blond ne s?accommodent guère de son visage bistré et ridé. La quarantaine à peine, elle retrouve ce soir comme d?habitude ses compagnes d?infortune. Assise avec deux autres femmes sous les arcades de Bab Azzoun, à quelques mètres du théâtre national, Bakhta fume sans cesse, cigarette sur cigarette. «Elle fume deux paquets par jour. Elle est folle !», lance l?une de ses campagnes. Une tasse de thé chaud circule entre les trois amies. «C?est une jeune qui me l?a offerte», dit l?une d?elles. Le breuvage est siroté entre deux confidences échangées dans la pénombre du soir. «Les cigarettes m?aident à m?endormir. Plus j?en fume, mieux je revois ma vie défiler, pour ne penser à rien», affirme Bakhta justifiant le tas de mégots écrasés à ses pieds. Saïda, une jeune fille âgée de 25 ans, refuse de donner plus de détails sur son identité. Elle affirme qu?elle vient d?Oum El-Bouaghi, de Meskiana plus précisément, et qu?elle a fui la maison parce qu?elle était malade et qu?elle cassait tout. «Je n?en pouvais plus. Mon père était un pauvre paysan, un pauvre homme qui ne pouvait plus subvenir aux besoins de sa famille.» Comment se déroulent ses soirées ? Elle sourit ironiquement et répond : «Nos soirées ! le matin, on dort, l?on se réveille pour manger, au resto du c?ur. Le soir, on se rencontre ici, on discute, parle. On n?a rien d?autre à faire.» Un peu plus loin, d?autres SDF ont installé leurs cartons, en guise de lit, pour dormir. D?autres restent éveillés, le regard hagard, lancés dans le vide et l?obscurité aveuglante. Des familles entières, des pères, des mères et des enfants SDF demandent l?aumône le soir.