Histoire Les deux amis étaient inséparables ; leur amitié est même devenue proverbiale. Si dans le nord de l'Algérie on magnifie l'amitié, dans les régions du Sud on lui voue un véritable culte, notamment chez les populations nomades qui cultivent les vertus comme l'honneur, la noblesse d'esprit et l'amitié. C'est qu'ici, la nature et les conditions de vie sont dures ; on a toujours besoin d'un compagnon et d'un ami pour supporter la rudesse du désert et recourir à son aide en cas de besoin ou de danger. «Un ami est une bonne chose», dit-on, et pour le conserver, on accepte de subir les plus mauvais traitements. «Ih'edjra men yed ss'diq teffah'a» (Une pierre de la main d'un ami est une pomme), dit le proverbe. Une légende, racontée dans la région de Laghouat, mais que l'on peut trouver dans n'importe quelle autre ville, hameau ou campement du Grand Sud algérien, illustre, avec la force des images et des paroles, l?intensité de l'amitié. Autrefois, dit-on, vivaient deux hommes qui étaient de véritables amis. Ils étaient originaires de la même tribu et vivaient dans le même campement. On dit qu'ils sont nés le même jour, à la même heure et qu'ils ont été circoncis le même jour. Une voyante, qui parcourait les campements, avait prédit à leurs mères qu'ils mourraient également le même jour. Les deux garçons ? appelons-les Ahmed et Tahar ? grandissent ensemble, partagent les mêmes jeux et, devenus adolescents, gardent ensemble les troupeaux de moutons et les chameaux de leur père. «Regardez, disaient les parents à leurs enfants, comme Ahmed et Tahar sont unis, regardez comme ils sont amis ! Chacun ne pense qu'à faire plaisir à l'autre, chacun ne recherche que le plaisir et l'intérêt de l'autre?» On en vient à les citer en proverbe : «Amis comme Ahmed et Tahar?» Un jour, raconte-t-on, alors que Tahar, parti dans le désert, n'est pas rentré, sa mère, inquiète, vient trouver Ahmed. «Tahar s?est certainement perdu», dit-elle. Ahmed part aussitôt à sa recherche. Alors qu'il désespère de le retrouver, il entend comme une voix lui dire : «Ahmed, je suis tombé dans un ravin, j'ai la tête en sang, je ne peux pas me relever. Si tu ne me retrouves pas, je vais mourir !» Ahmed gémit et demande à la voix : «Dis-moi où tu es ! ? Ecoute ton c?ur, laisse aller ton chameau, il te conduira jusqu'à moi !» Ahmed retourne au campement et selle un chameau. «Où vas-tu ?, lui dit-on. ? A la recherche de Tahar, dit-il. Il est tombé dans un ravin et il ne peut pas se relever ! ? Comment le sais-tu ? ? Il me l'a dit, sa voix est parvenue jusqu'à moi et m'a demandé de le sauver !» Des hommes le suivent. Son chameau va droit devant lui et on ne tarde pas à découvrir Tahar, dans un ravin, blessé à la tête. (à suivre...)